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Extrait de la lettre d’actualité juridique d’août 2015

Procédure pénale

Saisine in rem : rappel de l’étendue des pouvoirs du juge d’instruction

Un officier de police judiciaire commis rogatoirement est incompétent pour accomplir des actes coercitifs d’administration de la preuve sur des faits étrangers à la saisine du magistrat mais conserve les pouvoirs propres qu’il tient des enquêtes préliminaire et de flagrance. Par ailleurs, une mise en examen prononcée notamment pour des faits non visés par l’information judiciaire reste partiellement valable, après cancellation, dès lors qu’elle repose également sur des faits dont le juge était régulièrement saisi.

Crim. 23 juin 2015, F-P+B, n° 15-81.071

Des officiers de police judiciaire, agissant dans le cadre d’une commission rogatoire délivrée par un juge d’instruction saisi des chefs d’acquisition, détention et transport d’armes et de munitions de catégorie A, avaient effectué, le 7 octobre 2014, une perquisition au domicile d’un gardé à vue. Au cours de cette perquisition, ils avaient découvert et saisi notamment des armes et munitions de catégorie B, donnant ainsi lieu, deux jours plus tard, après réquisitoire supplétif, à la mise en examen du suspect des chefs d’infractions à la législation sur les armes de catégories A et B.

Dans un premier moyen, la personne mise en examen contestait la légalité de la saisie d’armes consécutive à la perquisition « positive » de son domicile en ce que certaines armes saisies étaient étrangères à la cause. En effet, au moment de la perquisition, le juge d’instruction n’était saisi que des chefs d’acquisition, détention et transport d’armes et de munitions de catégorie A. Les officiers de police judiciaire commis rogatoirement ne pouvaient dès lors valablement saisir que les armes et munitions correspondant à cette catégorie.

En matière d’exécution des commissions rogatoires, il convient de rappeler que l’application des principes, particulièrement celui prohibant tout acte coercitif sur des faits étrangers, reste rigoureuse. Lorsqu’au cours d’une perquisition opérée en exécution d’une commission rogatoire, l’officier de police judiciaire délégué découvre des faits étrangers à l’information, il n’a pas la possibilité d’accomplir, sur le fondement de la commission rogatoire, des actes coercitifs sur ces faits nouveaux. Il s’évince en effet de l’article 80, alinéa 3, du code de procédure pénale que le magistrat instructeur, lorsqu’il acquiert la connaissance de faits nouveaux, a uniquement la possibilité, avant toute communication au procureur de la République, d’en consigner la substance dans un procès-verbal et, le cas échéant, d’effectuer d’urgence des vérifications sommaires pour en apprécier la vraisemblance. Le juge d’instruction n’ayant pas la possibilité d’exercer des actes de coercition sur ces nouveaux faits sans excéder ses pouvoirs, l’officier de policier judiciaire agissant en tant que mandataire ne saurait légitimement pouvoir exercer de tels actes. Pour autant, l’officier de police judiciaire n’est pas démuni de tout pouvoir. Des enquêtes préliminaire ou de flagrance, il conserve la possibilité d’exercer ses pouvoirs propres (Crim. 7 mai 2002, n° 01-80.317, RSC 2003. 391, obs. J. Buisson ; 13 déc. 2000, n° 00-84.189, Bull. crim. n° 377 ; Procédures 2001. Comm. n° 114, obs. J. Buisson ; Comp. 26 mars 2003, n° 03-80.084, Bull. crim. n° 80 ; D. 2003. 1605, et les obs. ; RSC 2004. 426, obs. J. Buisson ). En d’autres termes, commis rogatoirement, l’officier de police judiciaire est, comme le juge d’instruction mandant, incompétent pour accomplir des actes coercitifs d’administration de la preuve sur des faits étrangers à la saisine du magistrat ; en revanche, en vertu de ses pouvoirs propres qu’il tient des enquêtes préliminaire et de flagrance, il peut réaliser de tels actes. Dans ces conditions, la saisie par un officier de police judiciaire des objets étrangers à l’information dans le cadre de laquelle lui a été délivrée une commission rogatoire est possible soit, après avoir recueilli l’assentiment exprès de la personne au domicile de laquelle a eu lieu la découverte, en application des articles 75 et 76 du code de procédure pénale, soit coercitivement s’il relève l’existence d’un crime ou d’un délit flagrant puni d’une peine d’emprisonnement (Crim. 17 mai 1994, n° 93-82.252, Bull. crim. n° 186 ; JCP 1994. IV. 1903).

C’est précisément dans cette lignée que s’inscrit la solution rendue par la chambre criminelle aux fins de justifier la légalité de la saisie d’armes et de munitions de catégorie B, en ce qu’elle faisait apparaître, lors de la perquisition parfaitement régulière, la commission d’une infraction flagrante. Les juges du quai de l’Horloge rejettent ainsi sans ambages le premier moyen. Pour autant, ils ne font pas leurs les motifs de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Reims justifiant vainement la légalité de l’acte de saisie des armes de catégorie B et de leurs munitions en raison de leur « relation étroite » avec les faits relatifs aux armes et munitions de catégorie A, dont le juge d’instruction était déjà saisi…

Dans un second moyen, le suspect contestait sa mise en examen prononcée en raison de la cession sans autorisation d’armes, munitions et leurs éléments essentiels de la catégorie A et de la détention d’un arme de catégorie B et de ses munitions. Selon lui en effet, cette mise en examen devait être totalement annulée car prononcée sur des faits qui n’entraient pas dans la saisine du juge d’instruction. Le réquisitoire supplétif pris par le procureur de la République, à la suite de la saisie au domicile du gardé à vue, ne visait en effet que la détention sans autorisation d’une arme de catégorie B sans mention des munitions. Ces dernières ne pouvant constituer « le prolongement nécessaire [des] armes [de catégorie B], dont elles se distinguent puisqu’elles sont elles-mêmes soumises à autorisation », les juges rémois avaient procédé à l’annulation du procès-verbal de première comparution relativement à la mention desdites munitions. Cependant, leur annulation n’était que partielle. La mise en examen du suspect avait en effet été maintenue, après cancellation des mentions du procès-verbal de l’interrogatoire de première comparution relatives aux faits non compris dans la saisine, l’attribution de ce statut étant parfaitement fondée au regard des autres chefs d’accusation.

Depuis les lois des 4 janvier et 24 août 1993, la cancellation d’actes de procédure nuls est autorisée (C. pr. pén., art. 174, al. 3) dès lors qu’a été établie une copie certifiée conforme à l’original, classée au greffe de la cour d’appel (Crim. 19 mars 2002, n° 01-88.240, Bull. crim. n° 63 ; RSC 2003. 122, obs. A. Giudicelli ). Par conséquent, sous cette réserve, l’irrégularité des poursuites pour certains chefs d’accusation ne doit pas entraîner l’annulation totale de toutes les pièces portant une référence à ces poursuites dès lors que les pièces litigieuses font également référence à d’autres infractions dont les poursuites sont régulières (Crim. 19 mars 2002, n° 01-88.240, préc.). Dans ces conditions, et parce que le juge d’instruction était, en l’espèce, régulièrement saisi, par réquisitoires introductif et supplétif, des faits reprochés, la mise en examen pouvait légalement être maintenue à l’encontre de la personne suspectée s’agissant de ces derniers faits. Le rejet par les juges du droit du second moyen de cassation était inévitable. 

 

Droit des obligations

Produits défectueux : le cas fragile des bouteilles de vin

Les débris de verre affectant les bouteilles rendaient le vin impropre à sa consommation, de sorte que le préjudice économique lié à la mévente était indemnisable sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux. 

Civ. 1re, 1er juill. 2015, F-P+B, n° 14-18.391

« Dieu n’avait fait que l’eau, mais l’homme a fait le vin. » (Victor Hugo, Les Contemplations, I, 22, 1856).

Lorsqu’un dommage affecte le vin contenu dans une bouteille défectueuse, s’agit-il d’un dommage causé au produit ? Sur cette question, il est certain que la responsabilité du fait des produits défectueux a vocation à s’appliquer aux dommages causés par le produit et non au produit lui-même (C. civ., art. 1386-2, 2°). Ainsi, le droit commun retrouve son bénéfice et la victime doit agir soit sur le terrain de la faute (C. civ., art. 1382 ou 1147) ou sur celui des vices cachés en cas de vente (V. Civ. 1re, 9 juill. 2003, n° 00-21.163, Dalloz jurisprudence ; contra. Grenoble, 11 juin 2008, RDC 2009. 542, obs. J.S. Borghetti). Cette summa divisio paraît aujourd’hui acquise mais certaines situations intermédiaires peuvent encore susciter des hésitations, comme l’illustre l’espèce en cas de préjudice économique résultant de la mévente d’un vin rendu impropre à la consommation en raison des débris de verre pouvant endommager la bouteille.

En l’espèce, la société qui approvisionnait le commerçant en bouteilles de vin a constaté que certaines d’entre elles étaient affectées de défauts provoquant des débris de verre (82 546 bouteilles au total). Il en a donc demandé préventivement leur rapatriement. Le commerçant a assigné son fournisseur en réparation des conséquences économiques liées à la mévente de celles-ci (perte de marge ou moins-value).

La cour d’appel (Lyon, 13 févr. 2014) avait pour sa part exclu l’indemnisation de ce dernier chef de préjudice au motif qu’il était en lien direct avec les défectuosités du produit lui-même. En d’autres termes, il s’agissait d’un dommage causé au produit que seules les dispositions du droit commun avaient vocation à réparer.

L’argument est balayé par la Cour de cassation qui retient que les défauts invoqués rendaient le vin impropre à la consommation et causaient, par conséquent, le préjudice commercial consécutif à la mévente des bouteilles défectueuses.

L’exclusion du dommage causé au produit du champ de la loi de 1998 est assez logique car ses conséquences indemnitaires ne relèvent pas stricto sensu de la responsabilité délictuelle mais des obligations propres à la conservation ou la jouissance du bien lui-même. Partant, deux voies pouvaient être empruntées : soit admettre que le siège du dommage (le vin) n’était pas le produit défectueux en lui-même mais bien un autre bien affecté par les bris de verre, soit admettre que la bouteille de vin était un ensemble qui n’admet aucun dommage indépendant en cas de défaut affectant son contenu, de sorte que la réparation du dommage lié au rapatriement de celle-ci est exclue du fondement convoqué.

Sans l’exprimer ainsi, le raisonnement de la Cour de cassation, audacieux mais pragmatique, conduit à retenir la première hypothèse et élargit le champ d’application de ce régime spécial. Reste alors à savoir si l’indemnisation qui va suivre sera plus favorable que le droit commun, ne serait-ce que par la franchise de 500 € que la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 impose désormais (transposé à l’art. 1386-2, C. civ.), quand le droit commun admet le bénéfice de la réparation intégrale pour un préjudice équivalent. Le progrès prend parfois des formes insoupçonnées.

 

Droits et libertés fondamentaux

Adoption définitive de la réforme de l’asile

Face à un Sénat partisan d’une réforme particulièrement ferme à l’égard des demandeurs d’asile, l’Assemblée nationale aura finalement eu le dernier mot.

Projet de loi relatif à la réforme du droit d’asile

L’Assemblée nationale a définitivement adopté, le 15 juillet 2015, le projet de loi relatif à la réforme de l’asile. Ce texte poursuit l’objectif de ramener de deux ans à neuf mois le délai de traitement des dossiers et met en place un dispositif directif d’hébergement des demandeurs d’asile. En transposant les directives du « paquet asile », adoptées en juin 2013, il consacre un certain nombre de garanties procédurales au bénéfice des demandeurs. Alors que députés et sénateurs s’accordaient sur la nécessité de réformer un système « à bout de souffle », les deux chambres n’ont pu parvenir à un accord sur les solutions susceptibles d’être apportées. Face à un Sénat favorable à un dispositif particulièrement ferme à l’égard des demandeurs d’asile, l’Assemblée nationale aura finalement eu le dernier mot.

Le refus d’asile par l’OFPRA ne vaudra pas OQTF

La plupart des dispositions chères aux sénateurs ont ainsi été rayées du texte. La décision définitive de rejet prononcée par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ne vaudra en aucun cas obligation de quitter le territoire français et l’étranger pourra toujours solliciter un titre de séjour pour un autre motif. L’idée de transférer le contentieux des refus d’entrée sur le territoire au titre de l’asile à la Cour nationale du droit d’asile est également écartée. Le juge administratif demeure donc compétent en la matière.

Le texte élargit, en revanche, les hypothèses de recours à une procédure accélérée, en remplacement de l’actuelle procédure prioritaire. Celle-ci sera mise en œuvre par détermination de la loi (pays d’origine sûre), par le préfet (en cas de problème d’identification du demandeur, notamment) ou par l’OFPRA, en particulier lorsque le demandeur aura présenté, à l’appui de sa demande, de faux documents. L’Office devra, dans tous les cas, procéder à un examen individuel de chaque demande et tout recours contre une décision de rejet sera suspensif.

Un dispositif directif pour l’hébergement

Dans le même esprit, la réforme facilite le droit au recours des demandeurs d’asile placés en rétention. L’article L. 556-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoira désormais que l’étranger peut demander au président du tribunal administratif l’annulation de la décision de maintien en rétention dans les 48 heures suivant sa notification. Ce dernier devra statuer dans un délai ne pouvant excéder 72 heures après notification de la décision de l’Office relative au demandeur. En cas d’annulation de la décision de placement ou de maintien en rétention, il y sera immédiatement mis fin.

Enfin, afin de désengorger certains territoires, notamment l’Ile-de-France qui accueille près de 50 % des demandeurs, un dispositif directif d’hébergement va voir le jour. Des schémas nationaux et régionaux d’accueil des demandeurs d’asile fixeront les orientations en matière de répartition des lieux d’hébergement. Les décisions d’admission, de sortie et de changement de lieu seront prises par l’Office français de l’immigration et de l’intégration. En cas de refus ou d’abandon de l’hébergement proposé, le demandeur pourra voir l’aide matérielle qui lui est allouée réduite, voire supprimée.

 

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