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ANNALE DU CRFPA : CAS PRATIQUE - DROIT ADMINISTRATIF

  • : 2023
  • : 3 heures
  • : 2
  • : 23CRFPA-CP1
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  • : Les candidats doivent impérativement traiter la matière qu’ils ont choisie lors de leur inscription conformément à l’article 2-3° de l’arrêté du 17 octobre 2016 fixant le programme et les modalités de l’examen d’accès au centre régional de formation professionnelle d’avocats, sous peine d’être sanctionnés d’un zéro dans ladite matière.

Depuis quelques semaines, le lycée Roger Vadim est en émoi. En effet, dans le cadre d’un cours consacré aux mouvements artistiques dans le cinéma français de l’après-guerre, dispensé en classe de seconde, l’un des enseignants a projeté le film de Roger Vadim, « Et Dieu créa la femme », datant de 1956. La séance fut précédée d’une présentation par l’enseignant du contexte de sortie du film et les réactions qu’il avait, alors, suscitées. L’enseignant avait notamment expliqué à cette occasion à quel point la liberté du personnage féminin, incarné par Brigitte Bardot, avait choqué la société de l’époque et le fait que les scènes de nu avaient été censurées par le pouvoir en place, ôtant au film une bonne partie de son contenu ! Cette séance de projection avait été suivie d’un débat, sur le thème « quelles limites à la liberté artistique en 2023 ? ». Un devoir maison avait été demandé aux élèves pour essayer d’expliciter, selon eux, les différences de réactions dans la réception d’une œuvre artistique, en particulier cinématographique, à différentes époques.

Le proviseur de l’établissement, qui ignorait le programme de ce cours et les œuvres étudiées, essuie depuis lors un certain nombre de plaintes.

I – En premier lieu, et de manière très violente, le proviseur a reçu des lettres de menaces, mettant en cause la sécurité de l’établissement, s’il ne faisait pas interdire immédiatement la tenue de ce cours pour l’année scolaire 2023-2024. Ces lettres sont signées d’une association d’ultras religieux, qui considère non seulement que si Dieu a bel et bien créé la femme, il lui a aussi imposé d’avoir un comportement décent, mais également que le lycée ne doit pas être un lieu d’émancipation sexuelle des jeunes. Le film véhiculerait ainsi une vision erronée des commandements divins et il y aurait là, selon eux, une atteinte au principe de laïcité de l’enseignement. Ces lettres appellent à une manifestation de protestation devant le lycée, dès le 1er jour de la rentrée de septembre 2023, fortement relayée sur les réseaux sociaux. Les syndicats d’enseignants, qui ont suivi l’affaire tout l’été, sont remontés et considèrent que ces protestations portent, elles, atteinte à la liberté de l’enseignement : ils prévoient une contremanifestation aux mêmes lieux et mêmes horaires.

Très inquiet de la tournure des événements, le proviseur a prévenu les services de police et la préfecture, située juste à côté de l’établissement : le préfet a pris un arrêté de police administrative, dans le mois d’août 2023, interdisant « tout rassemblement » devant le lycée Roger Vadim, dans un périmètre de 200 mètres autour de l’établissement, à compter du 1er septembre 2023 et ce « jusqu’à ce que la situation s’apaise ». Le proviseur est dépassé, il craint pour les bonnes conditions de la rentrée et d’accueil des lycéens : il se demande si le préfet était réellement compétent et n’a pas sur-réagi en imposant de telles mesures. Il vient vous consulter sur le cadre légal de cet arrêté de police administrative.

II – En deuxième lieu, le proviseur a reçu, dès le premier jour de la rentrée, les parents d’une élève qui a été particulièrement choquée par les scènes de nudité du film et l’image de la femme qu’elles laissaient paraître. Depuis la diffusion, ses parents ont remarqué un vrai changement de comportement : elle s’est totalement refermée sur elle-même, n’ose quasiment plus sortir de chez elle par crainte de la foule, a refusé de participer aux sorties plage et piscine organisées par ses parents l’été. Ils ont donc décidé de l’emmener consulter un psychologue, ce qui a tout de suite produit des effets positifs. Ils souhaitent cependant que leur soient communiqués la liste de tous les cours du professeur concerné, des élèves et classes assujettis à ce cours sur le cinéma et le contenu du programme de ce dernier pour l’année 2023-2024.

Par ailleurs, l’enseignant concerné, toujours professeur titulaire dans le lycée, est inquiet de l’engagement éventuel de ses responsabilités. Il se demande notamment s’il a bien fait de revendiquer sur twitter la nature politique de son geste. Cela a quelque peu attisé les tensions…

Le proviseur vous consulte sur le cadre juridique de ces demandes.

III – En dernier lieu, le président de la région dont le lycée dépend ne souhaite pas non plus laisser passer cette affaire. Il décide de couper la subvention que verse chaque année la région à l’amicale cinématographique du lycée Roger Vadim, qui organise régulièrement des projections de l’artiste à destination de tout public, selon un programme préétabli et transmis à la région. L’association est inquiète : la subvention 2023, votée par le conseil régional le 2 janvier 2023 n’a été versée qu’à moitié, en juin 2023.

Elle se demande si elle touchera bien l’autre moitié d’ici la fin de l’année.