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ANNALE DU CRFPA : NOTE DE SYNTHÈSE

À partir des documents joints, vous établirez une note de synthèse sur le sujet suivant : LA VULNÉRABILITÉ 22CRFPA-NS1 Page : 2/27 Liste des documents : Document 1 : Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, art. L.522-1 et s.

Document 2 : Code du travail, art. L.1132-1

Document 3 : D. Viriot-Barrial, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, éd. Dalloz, V° Dignité de la personne humaine, juin 2014 (actualisation : septembre 2020), n°60 et s.

Document 4 : Code pénal, art. 222-14, art. 222-24, art. 222-33, art. 223-15-2

Document 5 : C. Willmann, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, éd. Dalloz, V° Conditions de travail et d’hébergement contraires à la dignité humaine – Caractéristiques de l’infraction, octobre 2003 (actualisation : mars 2014), n°7 et s. (extraits)

Document 6 : M. Cottet, « Qui dit âgé ne dit pas nécessairement vulnérable », note sous Cons. Const., 12 mars 2021, n°2020-888 QPC, Dalloz actualité, 25 mars 2021

Document 7 : Code de l’urbanisme, art. L.122-15

Document 8 : D. Roman, Vulnérabilité et droits fondamentaux, Rapport de synthèse, Revue Droit et libertés fondamentales, 2019, Chron. 19 (extraits)

Document 9 : X. Lagarde, Avant-propos, in Les personnes vulnérables dans la jurisprudence de la cour de cassation, Rapport de la Cour de cassation 2009, éd. La documentation française, 2009, p.58 et s. (extraits)

Document 10 : Code de la défense, art. L.2141-1

Document 11 : A. Blondel, « Placements financiers : comment protéger les personnes âgées vulnérables ? », Le Monde, 8 avril 2021

Document 12 : Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, JORF n°0035 du 11 février 2016, Texte n° 25 (extraits)

Document 13 : Avis sur le consentement des personnes vulnérables, Commission nationale consultative des droits de l’homme, 16 avril 2015, (disponible sur le site internet de la CNCDH), p. 7 et s. (extraits). Document 14 : CEDH, 21 octobre 2021, affaire « M.D. et A.D. c. France » (extraits)

DOCUMENT 1 : Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, art. L.5221 et s. Article L522-1 A la suite de la présentation d’une demande d’asile, l’Office français de l’immigration et de l’intégration est chargé de procéder, dans un délai raisonnable et après un entretien personnel avec le demandeur d’asile, à une évaluation de la vulnérabilité de ce dernier afin de déterminer, le cas échéant, ses besoins particuliers en matière d’accueil. Ces besoins particuliers sont également pris en compte s’ils deviennent manifestes à une étape ultérieure de la procédure d’asile. Dans la mise en œuvre des droits des demandeurs d’asile et pendant toute la période d’instruction de leur demande, il est tenu compte de la situation spécifique des personnes vulnérables. Lors de l’entretien personnel, le demandeur est informé de sa possibilité de bénéficier de l’examen de santé gratuit prévu à l’article L. 321-3 du code de la sécurité sociale. Article L522-2 L’évaluation de la vulnérabilité du demandeur est effectuée par des agents de l’Office français de l’immigration et de l’intégration ayant reçu une formation spécifique à cette fin. Article L522-3 L’évaluation de la vulnérabilité vise, en particulier, à identifier les mineurs, les mineurs non accompagnés, les personnes en situation de handicap, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés d’enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes atteintes de maladies graves, les personnes souffrant de troubles mentaux et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d’autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, telles que des mutilations sexuelles féminines. Article L522-4 Les informations attestant une situation particulière de vulnérabilité sont transmises, après accord du demandeur d’asile, par l’Office français de l’immigration et de l’intégration à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides. L’évaluation de la vulnérabilité par l’Office français de l’immigration et de l’intégration ne préjuge ni de l’appréciation par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides de la vulnérabilité du demandeur en application de l’article L. 531-10 ni du bien-fondé de la demande. (…) Article L531-10 Pendant toute la durée de la procédure d’examen de la demande, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides peut définir les modalités particulières d’examen qu’il estime nécessaires pour l’exercice des droits d’un demandeur en raison de sa situation particulière ou de sa vulnérabilité. Pour l’application du premier alinéa, l’office tient compte des informations sur la vulnérabilité du demandeur qui lui sont transmises par l’Office français de l’immigration et de l’intégration en application de l’article L. 522-4 et des éléments de vulnérabilité dont il peut seul avoir connaissance au vu de la demande ou des déclarations de l’intéressé.

L’Office français de protection des réfugiés et apatrides peut statuer par priorité sur les demandes manifestement fondées ainsi que sur les demandes présentées par des personnes vulnérables identifiées comme ayant des besoins particuliers en matière d’accueil en application du chapitre II du titre II, ou comme nécessitant des modalités particulières d’examen. Lorsque l’office considère que la situation du demandeur d’asile, en raison notamment des violences graves dont il a été victime ou de sa minorité, justifie des garanties procédurales particulières qui ne sont pas compatibles avec l’examen de sa demande en procédure accélérée en application des articles L. 531-24, L. 531-26 ou L. 531-27, il décide de ne pas statuer selon cette procédure.

DOCUMENT 2 : Code du travail, art. L.1132-1 Article L1132-1 Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de nomination ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, d’horaires de travail, d’évaluation de la performance, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d’un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, de sa qualité de lanceur d’alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d’alerte, au sens, respectivement, du I de l’article 6 et des 1° et 2° de l’article 6-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

DOCUMENT 3 : D. Viriot-Barrial, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, éd. Dalloz, V° Dignité de la personne humaine, juin 2014 (actualisation : septembre 2020), n°60 et s. § 2 – Émergence de nouveaux statuts individuels 60. La prise en compte de la dignité comme valeur nouvelle fondamentale conduit à faire émerger des individualités particulières qui doivent bénéficier d’une protection spécifique. Ainsi en est-il de la personne vulnérable au sens large du terme (V. infra, no 61 s.) mais aussi de statuts plus spécifiques à la procédure pénale comme les parties au procès (V. infra, nos 72 s.).

A – Protection de la personne vulnérable

61. La vulnérabilité peut intervenir comme circonstance aggravante de certaines infractions mais c’est surtout en tant qu’élément constitutif qu’elle devient une symbolique de la protection contre l’atteinte à la dignité. Cette vulnérabilité pouvant être entendue au sens strict selon la définition qu’en donne le législateur (V. infra, nos 62), mais aussi par assimilation à cette notion, comme c’est le cas du mineur (V. infra, nos 63 s.) ou de la personne subordonnée (V. infra, nos 68 s.).

1 – Protection de la vulnérabilité au sens strict 62. Recours à la prostitution de personne vulnérable. – La loi du 18 mars 2003 (préc. supra,no 14) a introduit dans le titre II, chapitre V, section II bis du code pénal (intitulée « Du recours à la prostitution de mineurs ou de personnes particulièrement vulnérables »), un article 225-12-1, alinéa 2, qui sanctionne de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende « le fait de solliciter, d’accepter ou d’obtenir, en échange d’une rémunération ou d’une promesse de rémunération, des relations sexuelles de la part d’une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, lorsque cette personne présente une particulière vulnérabilité, apparente ou connue de son auteur, due à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique, ou encore à un état de grossesse ». L’article 225-12-2 prévoit des peines de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende lorsque l’infraction est commise de façon habituelle, à l’égard de plusieurs personnes, grâce à un réseau de télécommunication ou en cas d’abus d’autorité. L’article 225-12-4 prévoit la responsabilité des personnes morales.

2 – Protection de la vulnérabilité liée à la minorité 63. Circonstance aggravante, la minorité apparaît aussi comme élément constitutif d’infractions qui tendent à protéger tant la dignité corporelle que morale du mineur. a – Protection de la dignité corporelle 64. Dignité corporelle et dons d’organes ou prélèvement de tissus, cellules et collectes d’un produit du corps humain.

– Si le code pénal organise traditionnellement la protection physique du mineur dans le domaine de la privation de soins et d’aliments, du délaissement, ou de l’abandon moral et matériel (V. Abandon d’enfant ou de personne hors d’état de se protéger [Pén.]), la protection de la dignité est surtout marquante dans le régime spécifique que le législateur crée dans le cadre du don d’organes sur mineur. Dans la rédaction antérieure à la loi du 6 août 2004, d’après l’article L. 1231-2 du code de la santé publique, aucun prélèvement d’organes, en vue d’un don, ne pouvait avoir lieu sur une personne vivante mineure, sauf dérogation (art. L. 1231-3) pour le prélèvement de moelle osseuse au bénéfice de son frère ou de sa sœur et, dans ce cadre, avec l’application d’exigences très strictes quant au consentement du mineur (en particulier la demande d’une autorisation d’effectuer le prélèvement auprès d’un comité d’experts qui s’assure que le mineur a été informé du prélèvement envisagé afin qu’il puisse exprimer sa volonté, s’il y est apte). Le non-respect de ces conditions était puni de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 € d’amende d’après l’article 511-3 du code pénal.

En matière de cellules, produits du corps humain, le législateur a été très strict à l’égard des mineurs, puisque l’article L. 1241-2 du code de la santé publique interdisait à leur égard tout prélèvement ou toute collecte sans qu’aucune dérogation ne soit prévue. L’article 511-5 punissait cet acte de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende. L’ensemble de ces dispositions montre que, sauf cas de nécessité absolue, on présumait que le consentement du mineur ne serait pas éclairé et conscient, ce qui nierait sa dignité et violerait son droit conscient à consentir à une telle atteinte corporelle et donc son droit à disposer de son corps. Dans le cadre de la loi du 6 août 2004 (préc. supra, no 3), si les principes majeurs demeurent, deux modifications apparaissent. En premier lieu la volonté de protection corporelle des mineurs est renforcée dans la mesure où l’article 511-3 assimile, à l’égard des mineurs, les tissus et cellules et produits du corps humain aux organes. En effet désormais est sanctionné de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende le fait de prélever un organe, un tissu, ou des cellules ou de collecter un produit en vue de don sur une personne mineure. De plus même si la moelle osseuse n’est plus un organe dans la loi du 6 août 2004, elle est y encore assimilée à l’égard des mineurs dans la mesure où l’article 5115 sanctionne de sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende (et non de cinq ans et de 75 000 euros d’amende) le fait de prélever sur une personne vivante mineure des cellules hématopoïétiques issues de la moelle osseuse qu’elles soient recueillies par prélèvement osseux ou dans le sang périphérique (depuis la loi du 7 juill. 2011) sans avoir respecté les conditions prévues par le code de la santé publique (art. L. 1241-3 et L. 1241-4). On remarquera que ces dispositions sont aussi appliquées à l’égard des personnes majeures faisant l’objet de mesures de protection légale. b – Mise en péril de la dignité morale du mineur 65. Pédopornographie.

– Dans le cadre de l’exploitation de l’image du mineur, le nouveau code pénal a créé une nouvelle incrimination s’inscrivant dans la lutte contre la pédopornographie. Elle consiste dans le fait de fixer, d’enregistrer ou de transmettre l’image d’un mineur en vue de sa diffusion, lorsque cette image présente un caractère pornographique (C. pén., art. 227-23, al. 1er). Cette nouvelle infraction a pour but de réprimer les réseaux pédophiles, phénomène marquant de la chosification à connotation sexuelle des enfants. Elle est punie depuis la loi no 2006-399 du 4 avril 2006 non plus de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende mais de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. Le fait d’offrir, de rendre disponible ou de diffuser une telle image est réprimé des mêmes peines. Depuis la loi du 4 mars 2002 (L. no 2002-305 relative à l’autorité parentale, D. 2002. 1016), déjà très protectrice du mineur (VIRIOT-BARRIAL, Les dispositions protectrices du mineur dans la loi du 4 mars 2002, RJPF 2002-11/6), complétée par la loi du 5 mars 2007 en matière de lutte contre la récidive, le fait de détenir une telle image ou représentation mais aussi le fait de consulter habituellement un service de communication en ligne mettant à disposition une telle image ou représentation sont punis de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende. On condamne dès lors le client de ces réseaux pédophiles. Il convient de remarquer que cette volonté de lutter contre une exploitation de l’image du mineur est renforcée depuis la loi du 9 mars 2004 (V. GIACOPELLI, Premiers regards sur la loi no 2004-204 du 9 mars 2004, Cah. actu. Rép. pén., mai 2004), lorsque cette incrimination est réalisée en bande organisée puisque les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et 500 000 euros d’amende. 66. Exploitation sexuelle du mineur. – Depuis la loi du 4 mars 2002 sur l’autorité parentale (préc.), un ensemble de dispositions ont été prises pour lutter contre la prostitution enfantine (VIRIOT-BARRIAL, article préc. supra, no 65). Sur le plan pénal, est créée après l’article 22512 une section II bis intitulée « Du recours à la prostitution d’un mineur ».

Ainsi l’article 22512-1 incrimine « le fait de solliciter, d’accepter ou d’obtenir, en échange d’une rémunération ou d’une promesse de rémunération, des relations de nature sexuelle de la part d’un mineur qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle. Ce comportement est réprimé de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € ». Le législateur a prévu un certain nombre de circonstances aggravantes dans l’article 225-12-2 qui renforce la notion d’exploitation caractéristique de cette incrimination (réalisation de l’infraction de manière habituelle et à l’égard de plusieurs personnes, l’abus d’autorité de la part de l’auteur). Cette incrimination marquante de l’exploitation sexuelle des mineurs est symbolique de la lutte contre toute atteinte à la dignité des mineurs (VIRIOT-BARRIAL, article préc.). 67. Bizutage.

– La loi du 17 juin 1998 (préc. supra, no 14) a créé le délit de bizutage (C. pén., art. 225-16-1 ) dans l’optique de stigmatiser certains comportements fortement attentatoires à la dignité du mineur ou du moins du jeune adulte. Intégré dans le chapitre V relatif à la dignité, il consiste, hors les cas de violences, de menaces ou d’atteintes sexuelles, dans le fait pour une personne d’amener autrui, contre son gré ou non, à subir ou à commettre des actes humiliants ou dégradants lors de manifestations ou de réunions liées aux milieux scolaire et socio-éducatif. L’élément matériel, actes humiliants et dégradants, n’est pas sans rapport avec les termes de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme invoquant les traitements inhumains et dégradants. L’élément moral est aussi caractéristique et consiste dans la volonté d’humilier l’individu, de le soumettre, de lui faire perdre toute individualité. Le législateur, en rendant le consentement indifférent, montre bien que le concept de dignité est inhérent à toute personne et que l’on ne peut y renoncer. La sanction est élevée : six mois d’emprisonnement et 7 500 € d’amende. Cette protection de la dignité est d’autant plus renforcée à l’égard des personnes vulnérables (C. pén., art. 225-16-2), puisque les peines sont alors portées à un an d’emprisonnement et 15 000 € d’amende.

3 – Protection de la vulnérabilité liée à la subordination : la protection de la dignité du travailleur 68. Harcèlement moral. – Si la protection du salarié est assurée par des infractions désormais générales comme le harcèlement sexuel (V. supra, no 44), sa dignité est protégée par des infractions spécifiques comme le harcèlement moral (V. MALABAT, À la recherche du sens du droit pénal du harcèlement, Dr. soc. 2003. 491). En effet, la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 (préc. supra, no 44) a créé tout un arsenal de lutte contre le harcèlement moral qui s’inscrit dans le code du travail (C. trav., art. L. 122-49) et dans le code pénal. Non intégré dans le chapitre relatif à la dignité mais dans celui des atteintes à l’intégrité physique et psychique, plus particulièrement dans les agressions sexuelles, l’article 222-33-2 le définit comme « le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». On remarque que c’est l’une des rares incriminations où la dignité apparaisse de manière expresse. L’atteinte à la dignité est un des éléments constitutifs dont il faudra apporter la preuve et qui permettra d’asseoir une définition juridique pénale de la notion. Ces agissements, outre les sanctions disciplinaires ou civiles, sont passibles depuis la loi no 2012954 du 6 août 2012 de deux ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende. 69. Conditions de travail et d’hébergement contraires à la dignité. – Ce sont deux incriminations nouvelles qui ont été créées dans le code pénal et insérées dans le chapitre V « Atteintes à la dignité » (V. Conditions de travail et d’hébergement contraires à la dignité humaine [Pén.]). Depuis la loi du 18 mars 2003 (préc. supra, no 14), elles sont caractéristiques de la protection de la personne vulnérable. L’article 225-13 du code pénal incrimine désormais « le fait d’obtenir d’une personne, dont la vulnérabilité ou l’état de dépendance sont apparents ou connus de l’auteur, la fourniture de services non rétribués ou en échange d’une rétribution manifestement sans rapport avec l’importance du travail accompli ». Dans sa nouvelle rédaction, l’article 225-14 incrimine le fait de soumettre une personne dont la vulnérabilité ou l’état de dépendance est apparent ou connu de l’auteur à des conditions de travail ou d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine. Toute référence à l’abus de vulnérabilité a disparu. L’article 225-15-1 du code pénal présume désormais que, pour l’application de ces articles, les mineurs ou les personnes qui ont été victimes de ces faits à leur arrivée sur le territoire français sont considérés comme des personnes vulnérables ou en situation de dépendance. La loi du 18 mars 2003 a voulu renforcer la répression de ces incriminations en aggravant les peines, qui passent de deux ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende à cinq ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende. La jurisprudence a mis en exergue la chosification de la personne humaine en s’appuyant sur les conditions matérielles de travail faisant d’elle le prolongement d’une machine-outil, ce qui est incompatible avec la dignité humaine (Crim. 11 déc. 2001, no 00-87.280, Bull. crim. no 256. – Crim. 4 mars 2003, JCP 2003. IV. 1804) ou sur des conditions de logement inhumaines eu égard au droit au logement décent consacré (Crim. 11 févr. 1998, no 96-84.997, Bull. crim. no 53).

Pourtant la rédaction initiale de ces incriminations a subi les foudres de la CEDH. En effet, par deux fois, la France, le 26 juillet 2005 (CEDH 26 juill. 2005, req. no 73316/01, AJDA 2005. 1886, chron. Flauss ; D. 2006. 346, note Roets ; D. 2006. 1717, obs. Renucci ; RSC 2006. 139, obs. Massias ; RSC 2006. 431, obs. Massias ; RTD civ. 2005. 740, obs. Marguénaud ) et le 11 octobre 2012 (Interdiction de la servitude, de l’esclavage et du travail forcé ou obligatoire : CEDH 11 oct. 2012, C. N. et V. c/ France, req. no 67724/09 , Dalloz actualité, 22 nov. 2012, obs. Bachelet ; RSC 2013. 149, obs. Roets [L’article 4 de la Convention européenne des droits de l’homme une nouvelle fois violé par la France] ; AJDA 2013. 165, chron. Burgorgue-Larsen ; D. 2012. 2451, et les obs. ; AJ pénal 2013. 162, obs. Lavric ), a été condamnée par la CEDH. L’accent a été mis sur les carences du droit pénal français de l’époque. Selon les juges strasbourgeois, « il découle nécessairement des dispositions de l’article 4 de la Convention des obligations positives pour les gouvernements […] d’adopter des dispositions en matière pénale qui sanctionnent les pratiques visées […], et de les appliquer en pratique […]

Ces obligations positives commandent la criminalisation et la répression effective de tout acte tendant à maintenir une personne dans ce genre de situation ». Autrement dit, les deux pans de cette obligation positive sont, d’une part, incriminer les comportements d’asservissement et d’exploitation de la personne (cadre législatif) et, d’autre part, assurer une répression effective (cadre administratif et action publique).

Or, les juges européens constatent que « l’esclavage et la servitude ne sont pas en tant que tels réprimés par le droit pénal français », et que le recours aux infractions de substitution des articles 225-13 et 225-14 du code pénal ne permet pas une répression efficiente de la transgression des droits garantis par l’article 4 de la Conv. EDH. Pourtant, même depuis la réforme de 2003, la France n’est pas à l’abri d’une nouvelle condamnation de la CEDH en atteste un dernier arrêt de la chambre criminelle du 5 mars 2013 qui refuse une nouvelle fois de reconnaître les éléments de l’infraction de l’article 225-13 du code pénal (RENUCCI, Esclavage domestique et droits de l’homme : l’indispensable réforme, à propos de Crim. 5 mars 2013, no 11-84.119, RSC 2013. 921).

Ainsi la loi no 2013-711 du 5 août 2013 portant diverses dispositions d’adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l’Union européenne et des engagements internationaux de la France est intervenue pour répondre aux différentes critiques et pour mettre le droit français en conformité avec les exigences européennes et internationales (BEAUSSONIE, Loi no 2013-711 du 5 août 2013 portant diverses dispositions d’adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l’Union européenne et des engagements internationaux de la France, RSC 2013. 861). 70.

Les nouvelles incriminations de travail forcé et de réduction en servitude. – Ces deux nouveaux délits sont insérés à la suite des infractions prévues aux articles 225-13 et 225-14 du code pénal. Ainsi, désormais, la section III du chapitre V du titre I du livre II du code pénal, relatif à la dignité de la personne humaine, est intitulée comme suit : « Des conditions de travail et d’hébergement contraires à la dignité de la personne, du travail forcé et de la réduction en servitude ». L’article 225-14-1 dispose ainsi que « Le travail forcé est le fait, par la violence ou la menace, de contraindre une personne à effectuer un travail sans rétribution ou en échange d’une rétribution manifestement sans rapport avec l’importance du travail accompli ». Le texte punit un tel comportement de sept années d’emprisonnement correctionnel et de 200 000 euros d’amende. L’élément matériel de cette infraction est donc tout d’abord d’imposer à autrui l’accomplissement d’un travail pas ou insuffisamment rémunéré. Ensuite, pour que soit constitué le délit, il faut que le travail se réalise sous la contrainte qui ne peut résulter que d’un acte de violence ou d’une menace. La réduction en servitude est, quant à elle, désormais définie par l’article 225-14-2 du code pénal comme « le fait de faire subir, de manière habituelle, l’infraction prévue à l’article 225-14-1 à une personne dont la vulnérabilité ou l’état de dépendance sont apparents ou connus de l’auteur ». Cette infraction est sanctionnée par la peine délictuelle maximale de dix ans d’emprisonnement ainsi que 300 000 euros d’amende. Concernant l’élément matériel, en réalité la servitude s’avère être un travail forcé mais qui serait commis sur une personne que l’agent sait vulnérable ou dépendante, avec la circonstance d’habitude. 71. Les nouvelles incriminations d’esclavage et de réduction en esclavage. – La loi du 5 août 2013 crée également deux nouveaux crimes. Pour ce faire, elle modifie le chapitre IV du titre I du livre I du code pénal intitulé « Des atteintes aux libertés de la personne ». La section « De l’enlèvement et de la séquestration » devient section première bis et une autre section première nommée « de la réduction en esclavage et de l’exploitation de personnes réduites en esclavage » est créée pour accueillir les nouvelles incriminations. Il s’agit sans doute des incriminations, en elles-mêmes, les plus symboliques qu’a créées la loi du 5 août 2013. D’autant plus qu’il s’agit de crimes, placés en tête du chapitre IV relatif à la protection des libertés de la personne. La réduction en esclavage serait en quelque sorte l’atteinte suprême, la plus grave à la liberté de la personne humaine, la liberté étant une des composantes marquantes de la dignité. Ainsi, tout d’abord, l’article 224-1 A énonce que « la réduction en esclavage est le fait d’exercer à l’encontre d’une personne l’un des attributs du droit de propriété ».

Ce comportement est puni de vingt années de réclusion criminelle et le texte nous précise qu’une période de sûreté peut être prononcée à l’encontre de son auteur, conformément aux deux premiers alinéas de l’article 132-23 du code pénal. La référence au droit de propriété est classique en matière d’esclavage. Dans l’imaginaire collectif, l’esclavage est bien le fait de percevoir, d’utiliser, de traiter une personne comme une chose, la formule est donc frappante à ce titre. Il s’agit en outre de la définition empruntée par la CEDH à la Convention de la SDN de 1926 (SDN, Convention de Genève relative à l’esclavage, 25 sept. 1926, entrée en vigueur le 9 mars 1927, amendée par le Protocole de New York le 7 décembre 1953, entré en vigueur le 7 juillet 1955, art. 1er).

Elle met donc la France en conformité avec la CEDH. Sur ces points, la loi semble en tout point conforme aux exigences attendues du législateur français. L’exploitation d’une personne réduite en esclavage est définie par l’article 224-1 B comme : « le fait de commettre à l’encontre d’une personne dont la réduction en esclavage est apparente ou connue de l’auteur une agression sexuelle, de la séquestrer ou de la soumettre à du travail forcé ou du service forcé ». Ce crime est également puni de vingt années de réclusion qui peuvent être assorties d’une période de sûreté. Cette seconde incrimination qui mobilise le concept d’esclavage est extrêmement intéressante. Si la réduction en esclavage devait être incriminée en tant que telle sur le plan symbolique, cette deuxième infraction semble plus concrète et précise.

*En effet, c’est bien dans la lutte contre l’exploitation par le travail que la loi de 2013 s’inscrit. DOCUMENT 4 : Code pénal, art. 222-14, art. 222-24, art. 222-33, art. 223-15-2 Art. 222-14 Les violences habituelles sur un mineur de quinze ans ou sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur sont punies :

1° De trente ans de réclusion criminelle lorsqu’elles ont entraîné la mort de la victime ;

2° De vingt ans de réclusion criminelle lorsqu’elles ont entraîné une mutilation ou une infirmité permanente ;

3° De dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende lorsqu’elles ont entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours ;

4° De cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende lorsqu’elles n’ont pas entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours. Les peines prévues par le présent article sont également applicables aux violences habituelles commises par le conjoint ou le concubin de la victime ou par le partenaire lié à celle-ci par un pacte civil de solidarité.

Les dispositions du second alinéa de l’article 132-80 sont applicables au présent alinéa. Les deux premiers alinéas de l’article 132-23 relatif à la période de sûreté sont applicables aux cas prévus aux 1° et 2° du présent article. Art. 222-24 Le viol défini à l’article 222-23 est puni de vingt ans de réclusion criminelle :

1° Lorsqu’il a entraîné une mutilation ou une infirmité permanente ;

2° Lorsqu’il est commis sur un mineur de quinze ans ;

3° Lorsqu’il est commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de l’auteur ;

3° bis Lorsqu’il est commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de l’auteur ; (…) Art. 222-33 I. – Le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. (…)

II. – Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers. III. – Les faits mentionnés aux I et II sont punis de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende. Ces peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende lorsque les faits sont commis :

1° Par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ;

2° Sur un mineur de quinze ans ;

3° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur ;

4° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de leur auteur ; (…) Art. 223-15-2 Est puni de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse soit d’un mineur, soit d’une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur, soit d’une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement, pour conduire ce mineur ou cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables. (…)

DOCUMENT 5 : C. Willmann, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, éd. Dalloz, V° Conditions de travail et d’hébergement contraires à la dignité humaine – Caractéristiques de l’infraction, octobre 2003 (actualisation : mars 2014), n°7 et s. (extraits)

Section 1re – Situation de la victime vulnérable ou dépendante

7. L’état de vulnérabilité ou de dépendance d’une personne est une condition préalable du délit de conditions de travail et d’hébergement contraires à la dignité humaine. L’infraction n’est constituée que dans la mesure où son auteur, employeur ou logeur, a « abusé » d’un tel état. Sa responsabilité pénale sera engagée si les éléments constitutifs sont établis, et si la victime est bien dépendante ou vulnérable. L’absence de définition légale des notions de vulnérabilité et de dépendance (V. infra, no 8 et s.) impose d’examiner les critères retenus par les juges (V. infra, no 19 et s.). Art. 1er – Notion de dépendance et de vulnérabilité 8. Les notions de dépendance et de vulnérabilité ne sont pas définies par les délits des articles 225-13 et 225-14 du code pénal, alors même que la répression implique que soit prouvé un état bien particulier de la victime, placée dans une situation d’infériorité et de faiblesse. Les deux notions de vulnérabilité (V. infra, no 9 et s.) et de dépendance (V. infra,no 15 et s.) doivent être distinguées, car les instruments juridiques qui les abordent leur sont propres. § 1er – Notion de vulnérabilité 9. Un salarié ou un locataire, en raison de leur vulnérabilité, peuvent invoquer les articles 22513 et 225-14 du code pénal, dès lors qu’ils subissent des conditions de travail et d’hébergement indignes. Pour mieux cerner ce que recouvre la notion de vulnérabilité, dans le silence des textes, il convient de raisonner par analogie, et analyser les infractions contenues dans le code pénal, qui font également référence à la notion.

A – Domaine de la vulnérabilité, en droit pénal 10. Infractions autonomes.

– La référence à la vulnérabilité de la victime est une donnée commune à de nombreuses infractions définies en droit pénal.

Ainsi l’article 222-14 incrimine les violences habituelles sur un mineur de quinze ans ou sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur. 11. De même, l’article 223-15-2, incrimine l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse soit d’un mineur, soit d’une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente et connue de son auteur, soit d’une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l’exercice de pressions graves ou réitérées, ou de techniques propres à altérer son jugement […]. 12. Circonstance aggravante. – Mais la notion de vulnérabilité de la victime constitue également une circonstance aggravante. Celle-ci est toujours définie en les mêmes termes : personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de l’auteur. Les illustrations abondent : article 222-24 (viol) ; article 221-4 (meurtre) ; article 2223 (tortures et actes de barbarie) ; article 222-8 (violence ayant entraîné la mort) ; article 222-9 (violence ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente) ; article 222-11 (violence ayant entraîné une incapacité de travail supérieure à huit jours) […].

B – Abus de faiblesse 13. Droit pénal de la consommation.

– Outre ces nombreuses infractions dont le régime juridique est spécifique, dès lors que la victime est placée en situation de vulnérabilité, le droit pénal de la consommation peut utilement être exploré (V. aussi infra, no 52). La loi no 72-1137 du 22 décembre 1972 (D. 1973.16) a incriminé l’abus de faiblesse (C. konsom., art. L. 122-8 ; V. Abus d’ignorance ou de faiblesse ; J. CALAIS-AULOY et F. STEINMETZ, Droit de la consommation, préc. no 146-148 ; J.-F. RENUCCI, Droit pénal économique, préc. p. 90 et s.).

Trois éléments ressortent de cette définition légale : l’état de contrainte (violence), la méconnaissance de la portée de ses actes et enfin la méconnaissance commerciale du produit et des techniques de vente. C’est donc le contraire d’un consommateur avisé. La vulnérabilité, analysée selon les termes des articles 225-13 et 225-14, pourrait clairement approprier cette référence à l’abus de faiblesse ou d’ignorance. La ligne directrice semble la même, étant entendu que le contexte et les finalités sont radicalement différents : ici, le consommateur, protégé d’un achat inutile ; là, le salarié ou le locataire, que l’on protège d’un employeur ou d’un bailleur peu scrupuleux. Pour mieux comprendre ces références à la faiblesse, mais aussi à la vulnérabilité, on peut relever ces différents éléments mis en avant par la jurisprudence : le bas niveau d’instruction (T. corr. Belley, 14 déc. 1989, RTD com. 1990.291, obs. P. Bouzat ; CA Lyon, 19 sept. 1990, D. 1991.250, note F. Ruellan ), l’absence d’emploi (T. corr. Albi, 11 juill. 1985, Gaz. Pal. 1985.2, 588, note J.-P.-D.), la méconnaissance de la langue française (CA Paris, 13 mai 1996, Contrats, conc., consom. 1996, comm. 178, obs. R.G.), l’âge avancé (Cass. crim. 30 avr. 1996, Bull. crim., no 175 ; 19 févr. 1997, ibid., no 70 : la victime était une personne âgée de 72 ans). Observation faite qu’il appartient aux juges du fond de relever « l’existence chez la victime d’un état de faiblesse ou d’ignorance préalable à la sollicitation » (Cass. crim. 19 févr. 1997, préc.). (…)

C – Abus d’état d’ignorance ou de situation de faiblesse

14. Délit d’abus de faiblesse. – Le critère de la vulnérabilité apparaît également dans d’autres infractions, dont l’abus d’état d’ignorance ou de situation de faiblesse (C. pén., art. 223-15-2 ; V. Abus d’ignorance ou de faiblesse et not. M.-L. IZORCHE, La genèse du délit d’abus de faiblesse, in Réflexions sur le nouveau code pénal, 1995, Pédone, p. 106 et s. ; P. DECHEIX, Abus frauduleux d’un état de faiblesse, art. 314-4, J.-Cl. pén., 1996, spéc. no 21 ; M.L. RASSAT, Droit pénal spécial, 2001, Dalloz, no 242 ; J.-F. SEUVIC, Abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse, Rev. sc. crim. 2001.852 ; A. DOSNER-DOLIVET, Loi sur les sectes, D. 2002, chron. 1086 ; V. infra, no 53). La vulnérabilité peut résulter en premier lieu de l’âge (P. THOMAS, C. THOMAS-HAZIF, C. PRADERE et P. DARRIEUX, Dépendance affective de la personne âgée et abus de faiblesse, Gaz. Pal. 1996.2, doctr. 805, spéc. p. 809 ; V. aussi, toujours dans cette perspective de protection des personnes âgées en situation de faiblesse ou de dépendance, l’infraction prévue à l’art. 223-3 du code pénal ; F. DREIFUSSNETTER, Délaissement d’une personne hors d’état de se protéger, J.-Cl. pén. 1994, art. 2233 et 223-4). La situation de faiblesse tient également à la maladie, l’infirmité, la déficience physique ou psychologique, ou encore à l’état de grossesse. Cette énumération légale (alors que les références ne sont que jurisprudentielles, au regard de la loi de 1972, préc.) devrait avoir vocation à enrichir la « vulnérabilité » visée aux articles 225-13 et 225-14, sous la réserve, déjà mentionnée, de la limite d’un tel rapprochement (l’art. 223-15-2 n’a ni le même contenu ni la même finalité que les art. 225-13 et 225-14 : protection de la personne à travers ses actes juridiques pour le premier, protection de la personne au regard de son travail ou de son logement pour le second). (…)

DOCUMENT 6 : M. Cottet, « Qui dit âgé ne dit pas nécessairement vulnérable », note sous Cons. Const., 12 mars 2021, n°2020-888 QPC, Dalloz actualité, 25 mars 2021

Les dispositions frappées d’inconstitutionnalité sont issues de la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement. Cette loi avait rassemblé en seul texte, l’article L. 116-4 du code de l’action sociale et des familles, diverses incapacités de recevoir destinées à protéger les personnes vulnérables hébergées dans une institution du secteur médico-social (pour une présentation de cet aspect de la loi, v. M. Nicod, Liberté de disposer de la personne âgée et lutte contre les captations d’héritage, Dr. Fam. n° 10, oct. 2016, doss. 36, soulignant notamment la cohérence de la réforme qui aboutit à ce que la protection patrimoniale du patient en fin de vie relève du code civil, en son article 909, tandis que la protection de la personne vulnérable hébergée dans une institution du secteur médico-social ou aidée à son domicile par un auxiliaire de vie obéit aux règles du code de l’action sociale et des familles). Outre cette réorganisation des textes, la loi du 28 décembre 2015 avait également redéfini le champ d’application de ces incapacités pour les étendre aux auxiliaires de vie qui apportent une aide personnelle à domicile. 

Cette mesure était inspirée par la volonté du législateur d’étendre la protection patrimoniale des personnes âgées et handicapées vulnérables. De fait, aucune disposition spécifique n’était alors prévue pour ces personnes lorsqu’elles bénéficient d’une aide à domicile. La Cour de cassation appliquant strictement les textes, ayant par exemple jugé qu’une aide-ménagère n’est pas frappée d’incapacité de recevoir à titre gratuit (Civ. 1re, 25 sept. 2013, n° 12-25.160, Bull. civ. I, n° 193 ; Dalloz actualité, 10 oct. 2013, obs. T. Douville ; D. 2013. 2273 ; JA 2013, n° 487, p. 10, obs. S.Z. ; AJ fam. 2013. 639, obs. E. Bourrié ; RDSS 2013. 1124, note M. Bruggeman ; RTD civ. 2014. 86, obs. J. Hauser), le législateur a estimé qu’il lui revenait de légiférer pour étendre la protection patrimoniale des personnes qu’il présume vulnérables (sur cette motivation, v. M. Pinville, Rapp. AN n° 2155, 17 juill. 2014). (…). L’incapacité de disposer corrélative à cette incapacité de recevoir frappe « les personnes prises en charge par le service » (CASF, art. L. 116-4, I, al. 1er) et les personnes accompagnées (CASF, art. L. 116-4, I, al. 2), ce qui, par l’effet du renvoi au code du travail, vise les personnes âgées, les personnes handicapées et les autres personnes qui ont besoin d’une aide personnelle à leur domicile ou d’une aide à la mobilité favorisant leur maintien à domicile. Devant le Conseil constitutionnel, ce n’est pas tant la situation des personnes handicapées que celle des personnes âgées qui a été débattue, même si le texte leur réserve un sort identique. Reste que la déclaration d’inconstitutionnalité frappe l’ensemble de ces personnes, puisque ce sont les trois renvois opérés par l’article L. 116-4 du code de l’action sociale et des familles au code du travail qui ont été jugés contraires à la Constitution, en ce que celle-ci protège le droit de propriété. Les raisons de l’inconstitutionnalité C’est une incapacité de recevoir que formulent les textes. À cet égard, la loi ne méconnaît aucune disposition constitutionnelle, la capacité de recevoir n’étant pas un droit garanti par la Constitution.

Le Conseil constitutionnel avait déjà eu l’occasion d’affirmer que le droit de propriété n’implique pas le droit de recevoir à titre gratuit (au sujet de la limitation de la capacité des associations de recevoir des libéralités, v. Cons. const. 29 janv. 2015, n° 2014-444 QPC, D. 2015. 269, écartant le grief tiré de l’atteinte au droit de propriété au motif qu’aucune exigence constitutionnelle n’impose que toutes les associations déclarées jouissent de la capacité de recevoir des libéralités). Certes, il s’agissait alors du droit de propriété de personnes morales mais la propriété des personnes morales n’est pas garantie différemment de celle des personnes physiques ; seule la capacité à contracter est régie suivant des règles différentes (v. C. civ., art. 1145, posant un principe de capacité générale des personnes physiques et un principe de capacité spéciale des personnes morales).

Il existe donc un précédent qui tend à refuser une protection constitutionnelle au droit de recevoir à titre gratuit. Toutefois, dans cette décision, l’absence de protection du droit de recevoir avait curieusement été assimilée à une absence de protection du droit de disposer (§ 7 : « les griefs tirés de l’atteinte au droit de propriété et à la liberté contractuelle des associations déclarées doivent donc être écartés ; par voie de conséquence, il en va de même des griefs tirés de l’atteinte au droit de propriété et à la liberté contractuelle des testateurs et donateurs »). Or, si le droit de recevoir n’est pas garanti constitutionnellement, il en va autrement du droit de disposer, qui constitue un attribut inhérent au droit de propriété. Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs eu plusieurs occasions d’affirmer que le droit de disposer librement de son patrimoine est un attribut essentiel du droit de propriété (Cons. const. 29 juill. 1998, n° 98-403 DC, § 40, AJDA 1998. 739 (…)). C’est la raison pour laquelle la constitutionnalité des incapacités édictées par l’article L. 116-4, I, du code de l’action sociale et des familles a été contestée sous l’angle des incapacités de disposer qu’elles impliquent, et non sous l’angle des incapacités de recevoir. Effectivement, qui dit incapacité de recevoir dit, par un corollaire nécessaire, incapacité de disposer : parce qu’elles n’existent qu’entre personnes déterminées, les incapacités de recevoir qui empêchent telle personne de bénéficier d’une libéralité impliquent, à l’autre bout du lien interpersonnel, des incapacités qui empêchent telle autre personne de disposer à titre gratuit au profit de celle qui ne peut recevoir.

À une incapacité de recevoir correspond donc nécessairement une incapacité de disposer. De ce point de vue, en ce qu’elle limite l’abusus des personnes frappées (protégées ?) par l’incapacité de disposer, la loi porte atteinte à leur droit de propriété, constitutionnellement garanti. C’est ce que souligne le Conseil constitutionnel dans la présente décision lorsqu’il relève que « les dispositions contestées interdisent aux responsables et aux employés ou bénévoles des sociétés délivrant de tels services, ainsi qu’aux personnes directement employées par celles qu’elles assistent, de recevoir de ces dernières des donations ou des legs », que, « par conséquent, les dispositions contestées limitent, dans la mesure de cette interdiction, les personnes âgées, les personnes handicapées ou celles qui ont besoin d’une aide personnelle à leur domicile ou d’une aide à la mobilité dans leur capacité à disposer librement de leur patrimoine » et que « le droit de disposer librement de son patrimoine étant un attribut du droit de propriété, les dispositions contestées portent atteinte à ce droit ».

Classiquement, le Conseil constitutionnel rappelle que l’exercice du droit de propriété peut être limité par la loi pourvu que les atteintes ainsi portées soient liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi. La formule, devenue classique, rappelle la distinction qu’opère la juridiction constitutionnelle entre les atteintes prenant la forme de privations du droit de propriété et les autres atteintes, prenant notamment la forme de limitations des conditions d’exercice du droit de propriété. Les premières doivent nécessairement respecter les exigences de l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (nécessité publique légalement constatée ; juste et préalable indemnité), tandis que les secondes, contrôlées sur le fondement de l’article 2 du même texte, doivent « seulement » être justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi. Au rang des motifs susceptibles de justifier une limitation du droit de propriété figurent aussi, outre l’intérêt général, les « exigences constitutionnelles », même si elles n’étaient pas en cause en l’espèce (sont généralement visés à travers cette formule les objectifs à valeur constitutionnelle, ou encore les autres droits et libertés garantis par la Constitution).

Pour contrôler la constitutionnalité de l’atteinte portée au droit de propriété, le Conseil s’est donc employé à vérifier que l’incapacité de recevoir était, d’une part, justifiée par l’intérêt général et, d’autre part, proportionnée à l’objectif poursuivi. Si la première de ces conditions a été considérée comme remplie, il n’en est pas de même de la seconde. S’agissant d’abord de l’intérêt général qui préside à l’incapacité de disposer, il tient, selon le Conseil, à la protection de personnes « placées dans une situation particulière de vulnérabilité vis-à-vis du risque de captation d’une partie de leurs biens » par ceux qui leur apportent l’assistance dont elles ont besoin pour favoriser leur maintien à domicile. (…) S’agissant ensuite de la proportionnalité de l’atteinte, le Conseil constitutionnel considère qu’elle n’est pas caractérisée : « l’interdiction générale contestée porte au droit de propriété une atteinte disproportionnée à l’objectif poursuivi ». (…)

D’une part, « il ne peut se déduire du seul fait que les personnes auxquelles une assistance est apportée sont âgées, handicapées ou dans une autre situation nécessitant cette assistance pour favoriser leur maintien à domicile que leur capacité à consentir est altérée ». Autrement dit, avoir besoin d’une assistance pour pouvoir se maintenir à domicile n’implique pas nécessairement une altération des facultés mentales de nature à entraver l’aptitude à consentir. La vulnérabilité peut prendre différentes formes qui n’impliquent pas toutes un même besoin de protection ni, en conséquence, une réponse identique. Ainsi, il y a indubitablement une vulnérabilité intrinsèque à l’âge, au handicap, voire à d’autres situations rendant nécessaire une assistance personnelle au domicile. Mais cette vulnérabilité, d’ordre physique, ne traduit pas systématiquement une fragilité mentale justifiant une mesure d’incapacité. Si l’une et l’autre peuvent coïncider, elles ne sont pas pour autant toujours réunies.

D’autre part, « les services à la personne définis au 2° de l’article L. 7231-1 du code du travail recouvrent une multitude de tâches susceptibles d’être mises en œuvre selon des durées ou des fréquences variables. Le seul fait que ces tâches soient accomplies au domicile des intéressées et qu’elles contribuent à leur maintien à domicile ne suffit pas à caractériser, dans tous les cas, une situation de vulnérabilité des personnes assistées à l’égard de ceux qui leur apportent cette assistance ». Autrement formulé, la relation d’assistance qui se noue au domicile de la personne assistée n’est pas nécessairement source de vulnérabilité extrinsèque, à l’égard de l’assistant. Ainsi, à supposer même que la personne assistée subisse une altération de ses facultés cognitives, les modalités de l’assistance dont elle bénéficie (durée, fréquence) peuvent être exclusives de toute dépendance psychique à l’égard de l’assistant et de tout risque de captation de sa part. Par ces motifs, le Conseil constitutionnel invalide le postulat du législateur suivant lequel les personnes âgées ou handicapées bénéficiant d’une aide à domicile se trouveraient par principe dans une situation de vulnérabilité justifiant la protection de leur patrimoine contre leur propre volonté. (…)

DOCUMENT 7 : Code de l’urbanisme, art. L.122-15 Article L122-15 Le développement touristique et, en particulier, la création ou l’extension des unités touristiques nouvelles prennent en compte les communautés d’intérêt des collectivités territoriales concernées et la vulnérabilité de l’espace montagnard au changement climatique. Ils contribuent à l’équilibre des activités économiques et de loisirs, notamment en favorisant la diversification des activités touristiques ainsi que l’utilisation rationnelle du patrimoine bâti existant et des formules de gestion locative des constructions nouvelles. La localisation, la conception et la réalisation d’une unité touristique nouvelle doivent respecter la qualité des sites et les grands équilibres naturels.

DOCUMENT 8 : D. Roman, Vulnérabilité et droits fondamentaux, Rapport de synthèse, Revue Droit et libertés fondamentales, 2019, Chron. 19 (extraits) (…) en quelques années, la notion de vulnérabilité a profondément pénétré l’ordre juridique. Une recherche sur Legifrance [1] révèle ainsi 166 occurrences du terme dans plus d’une dizaine de codes, du Code de l’action sociale et des familles au Code de la sécurité intérieure, en passant par le Code de la consommation ou celui de la construction et de l’habitation… Quant à son invocation par les juges, elle se compte par milliers sur les bases de données recensant la jurisprudence administrative et judiciaire. Qu’il s’agisse de la vulnérabilité des systèmes de défense, des édifices, des territoires, des projets de construction ou des personnes, la diversité des occurrences du terme est remarquable, au point qu’un doute peut poindre quant à la cohérence du contenu ainsi donné à la notion. Quels points communs, en effet, entre le droit pénal, pour qui la vulnérabilité de la victime constitue une circonstance aggravante de certaines infractions [2] voire un élément constitutif d’autres [3], le droit social qui mentionne « les familles vulnérables, en situation de précarité ou de pauvreté » [4] ou le Code de la route, dont l’article R. 412-6 exige du conducteur qu’il fasse « preuve d’une prudence accrue à l’égard des usagers les plus vulnérables » ? Les incertitudes sont d’autant plus vives que la notion de vulnérabilité se superpose souvent à d’autres catégories juridiques plus anciennes. C’est le cas notamment dans le champ de la protection sociale [5], où elle tend à supplanter les notions de pauvreté et d’exclusion sociale, sans toutefois les faire disparaître. Exemple significatif, le récent article L. 266-1 du Code de l’aide et l’action sociale dispose que « la lutte contre la précarité alimentaire vise à favoriser l’accès à une alimentation sûre, diversifiée, de bonne qualité et en quantité suffisante aux personnes en situation de vulnérabilité économique ou sociale » [6]. Là où le législateur de la IIIe République aurait évoqué les indigents, où celui de 1998 aurait employé la notion d’exclusion sociale [7], le législateur de 2018 préfère celui de « vulnérabilité économique et sociale ».

C’est également le cas en matière sanitaire et sociale, où coexiste une grande variété terminologique, distinguant dépendance, inaptitude, invalidité et handicap. La vulnérabilité est parfois une caractéristique commune des bénéficiaires de l’action sociale [8], parfois une circonstance spécifique comme en témoigne la rédaction de l’article L. 116-3 CASF, instituant un « plan d’alerte et d’urgence au profit des personnes âgées et des personnes handicapées en cas de risques exceptionnels » et imposant de prendre en compte « le cas échéant, la situation des personnes les plus vulnérables du fait de leur isolement ». C’est peut-être dans le champ du droit civil, depuis réforme de la loi n° 2007-308 portant réforme de la protection juridique, que le brouillage conceptuel est le plus épais. En la matière, la protection des majeurs vulnérables a progressivement concurrencé l’ancienne notion d’incapacité sur laquelle s’était construit le droit des tutelles, bien que la loi, étrangement, n’utilise pas le terme de « personnes vulnérables ». Initialement, vulnérabilité et incapacité ont un point en commun : le constat de la difficulté de la personne à exercer seule les attributs de la personnalité juridique, c’est à dire les droits et obligations qui lui sont reconnus, ce qui justifie des mesures spéciales de protection. Mais la dissémination de la notion de vulnérabilité l’a conduite à se détacher progressivement de l’incapacité : (…) sont ainsi souvent considérées comme des personnes vulnérables celles dont les droits et libertés sont menacées du fait de leur situation pathologique ou de handicap, de leur âge ou de leurs conditions économiques d’existence. Entrent dans cette catégorie, dans une liste non exhaustive, les personnes âgées, les personnes handicapées ou malades, celles frappées d’une certaine faiblesse ou encore celles vivant dans des conditions d’extrême pauvreté.

De cette liste, une caractéristique commune émerge : la vulnérabilité se caractérise comme l’état d’une personne qui, en raison de certaines circonstances, ne peut, en droit ou en fait, jouir de l’autonomie suffisante pour exercer ses droits fondamentaux [11], ce qui justifie, en retour, une protection accrue des pouvoirs publics par différents procédés. « La vulnérabilité marque ainsi le signe d’une extension et d’une diversification des dispositifs de protection, autrefois cantonnés au seul droit des incapacités » [12], visant à assurer la sécurité de sa personne, la protection de son intégrité physique ou à réduire sa sensibilité à la pression. A l’évidence, le succès de la notion interroge : juristes [13], mais aussi philosophes [14] et sociologues [15] ont tenté d’analyser les procédés et les conséquences de l’introduction de cette notion dans l’ordre juridique, hésitant sur sa portée. Là où les certains sont tentés de voir une notion bouleversant les règles juridiques, d’autres n’y voient qu’un simple effet de mode cosmétique et passager ? Entre « révolution tranquille pleine de promesse » [16] ou « oreiller de la paresse » [17], la réponse doit certainement être médiane. (…). [1] Effectuée au 1er octobre 2018. [2] V. par ex., C. pén., art. 221-4 (meurtre), 222-4 (torture), 222-10 (violences), 222-33 (harcèlement sexuel), 22512-1 (achat de services sexuels), 225-16-2 (bizutage), 225-7 (proxénétisme), 311-5 (vol), 313-2 (escroquerie). [3] C. pén., art. 223-15-2 (abus frauduleux de l’état de faiblesse ou d’ignorance), 225-4-1 (traite d’êtres humains), 225-13 (exploitation), 225-14-2 (servitude), 225-14 (conditions de travail ou d’hébergement contraires à la dignité). [4] C. action soc. et fam., art. L116-1: « L’action sociale et médico-sociale tend à promouvoir (…) l’autonomie et la protection des personnes, la cohésion sociale, l’exercice de la citoyenneté, à prévenir les exclusions et à en corriger les effets.

Elle repose sur une évaluation continue des besoins et des attentes des membres de tous les groupes sociaux, en particulier des personnes handicapées et des personnes âgées, des personnes et des familles vulnérables, en situation de précarité ou de pauvreté, et sur la mise à leur disposition de prestations en espèces ou en nature » [5] V. sur le sujet, BORGETTO M., « La vulnérabilité saisie par le Droit » , in DONIER V. et LAPEROU-SCHENEIDER B. (dir.), L’accès à la justice de la personne vulnérable en droit interne, Editions de l’Epitoge, Collection L’unité du droit, volume XVI, 2016, pp. 11-25 [6] Loi n°2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, art. 61. [7] C. action soc. et fam., art. L115-1 : « La lutte contre la pauvreté et les exclusions est un impératif national fondé sur le respect de l’égale dignité de tous les êtres humains et une priorité de l’ensemble des politiques publiques de la nation ». [8] C. action soc. et fam., art. L116-1. [11] V. en ce sens PAILLET E., « Avant-propos », in PAILLET E. et RICHARD P. (dir.), Effectivité des droits et vulnérabilité de la personne, Bruylant, 2014, p. 4 : « L’effectivité, ou plutôt l’ineffectivité des droits ainsi au cœur de la vulnérabilité. Elle est le critère qui transforme une fragilité en vulnérabilité » ; LAVAUD-LEGENDRE B., « La paradoxale protection de la personne vulnérable par elle-même : les contradictions d’un « droit de la vulnérabilité » en construction, RDSS 2010, p. 520 : « La vulnérabilité désigne donc un état de fragilité antérieur à une atteinte à un droit juridiquement protégé ». [12] CNCDH, avis précité, p. 8. [13] COHET-CORDEY F. (dir.), Vulnérabilité et droit – Le développement de la vulnérabilité et ses enjeux en droit, PUG, 2000 ; PAILLET E. et RICHARD P. (dir.), Effectivité des droits et vulnérabilité de la personne, Bruylant, 2014 ; ROUVIERE F. (dir.), Le droit à l’épreuve de la vulnérabilité, études de droit français et comparé, Bruylant 2011.

De nombreuses thèses ont également abordé tout ou partie du sujet : V. notamment BLONDEL M., La personne vulnérable en droit international, Université de Bordeaux, 2015 ; DUTHEIL-WAROLIN L., La notion de vulnérabilité de la personne physique en droit privé, Université de Limoges, 2004, GUITARD V., Protection de la personne et 22CRFPA-NS1 Page : 19/27 catégories juridiques : vers un nouveau concept de vulnérabilité, Université Paris 2, 2005 ; GENNET E., Personnes vulnérables et essais cliniques : réflexion en droit européen, Aix-Marseille, 2018 ; LICHARDOS G., La vulnérabilité en droit public : pour l’abandon de la catégorisation, Université de Toulouse Capitole, 2015 ; PFALZGRAF N., Vulnérabilité et vices du consentement, Université de Strasbourg, 2015. [14] FERRARESE E., « Vivre à la merci. Le care et les trois figures de la vulnérabilité dans les théories politiques contemporaines », Multitudes, 2/2009 (n° 37-38), p. 132-141 ; GARRAU M., Politiques de la vulnérabilité, CNRS Editions, 2018 ; POCHE F., « Vulnérabilité sociale, une approche philosophique et politique », Cahiers français n°390, 2016, p. 15 ; THOMAS H., Les vulnérables, Éditions du Croquant, 2010. [15] BORDIEZ-DOLINO A., VON BUELTZINGSLOEWEN I., EYRAUD B., LAVAL C. et RAVON B. (dir), Vulnérabilités sanitaires et sociales. De l’histoire à la sociologie, Rennes, PUR, 2014 ; BORDIEZ-DOLINO A., « Le concept de vulnérabilité », La Vie des idées, 11 février 2016 ; CASTEL R., « De l’indigence à l’exclusion, la désaffiliation. Précarité du travail et vulnérabilité relationnelle », in DONZELOT J. (dir.), Face à l’exclusion : le modèle français, Paris, Esprit, 1991, pp. 137 et s. ; EYRAUD B., VIDAL NAQUET P., « Consentir sous tutelle. La place du consentement chez les majeurs placés sous mesures de protection », Tracés 14 2008/1 p. 103-127 ; SOULET M. H., « La vulnérabilité, une ressource à manier avec prudence », in BURGORGUE-LARSEN L., La vulnérabilité saisie par les juges en Europe, éd. Pédone, 2014, pp. 7 et s. [16] TIMMER A., « A Quiet Revolution : Vulnerability in the European Court of Human Rights ». [17] BESSON S., « La vulnérabilité et la structure des droits de l’Homme. L’exemple de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme », in L. BURGORGUE-LARSEN L., La vulnérabilité saisie par les juges en Europe, éd. Pédone, 2014, p. 81. DOCUMENT 9 : X. Lagarde, Avant-propos, in Les personnes vulnérables dans la jurisprudence de la cour de cassation, Rapport de la Cour de cassation 2009, éd. La documentation française, 2009, p.58 et s. (extraits) 1.3. Ce qu’est la vulnérabilité Dans une société moderne, les individus sont autonomes. Ils sont donc normalement les seuls gestionnaires de leurs intérêts et de leurs aspirations.

Le sujet de droit est ainsi une personne capable, capacité qui, nous rappelle l’article 1123 du code civil, reste le principe. Il est libre de ses actes, il répond de ses faits. Sans doute est-il l’objet de multiples détermi- nations, sans doute évolue-t-il dans un univers incertain, de telle sorte que son libre arbitre ne saurait exister, en quelque sorte, à l’état chimiquement pur. Cependant l’homme moyen, le « bon père de famille », n’est pas contraint ou ignorant au point qu’il faille nier sa liberté. Celle-ci est relative, elle n’est pas sans consistance. Dans une société, parfois qualifiée de postmoderne, l’autonomie de l’individu requiert un peu plus que la capacité juridique, c’est-à-dire, au fond, l’aptitude à se mouvoir librement dans les cadres du droit civil. Pour qu’advienne l’individu, il importe de lui reconnaître des droits, abstraction faite des relations qu’il est à même de nouer dans l’exercice de sa capa- cité : droit d’agir en justice, droits sociaux (logement, emploi…), par exemple. Ces droits sont généralement reconnus par des textes de portée supralégislative. Il en est ainsi parce qu’ils sont l’expression de la dignité de l’homme. Ils accèdent au rang de droits fondamentaux. Encore ne faut-il pas exagérer les différences entre ces deux points de vue sur l’autonomie. Pour partie d’entre eux, les droits sociaux visent à « libérer l’homme du besoin », selon la formule de Beveridge (…). Par induction, il n’est pas interdit de se demander si les droits fondamentaux n’ont pas pour principale vertu d’offrir à chacun les conditions d’une effective liberté. Avoir un emploi correctement rémunéré, un logement décent, un accès à la justice, n’y a-t-il pas là les prérequis d’une entrée en société ?

Pour être capable de nouer des relations équilibrées, il est au préalable nécessaire de disposer de droits fondamentaux. Quoi qu’il en soit des liens entre ces différentes facettes de la personnalité juridique, l’explicitation de cette dernière permet de construire une conception rigoureuse de la vulnérabilité. On comprend en effet que, sous l’angle du droit, la personne vulnérable est celle qui n’est pas en mesure d’exercer les attributs de la personnalité juridique. Empêtrée dans une situation pathologique, elle reste en deçà du standard du bon père de famille. Droits et libertés ne sont pour elle que des mots. En pratique, elle ne sait pas ce que c’est. Sont ainsi des personnes vulnérables celles qui, dans une situation pathologique ou hors norme, ne sont de fait pas en mesure d’exercer correctement leurs droits et libertés. Entrent ainsi dans cette catégorie : les incapables majeurs qui, affectés d’un déficit intellectuel ou mental, ne peuvent contracter au mieux de leurs intérêts ; les adultes malades ou vieillissants, que les entreprises se pressent rarement d’accueillir, et pour qui la liberté du travail et le droit à l’emploi ont bien peu de consistance (…) ; les personnes dont les ressources sont insuffisantes au point qu’elles ne peuvent accéder à la justice (…)… Si compréhensive soit la notion, elle ne s’étend pas sans limites. Ainsi les consommateurs et les salariés ne peuventils être par principe assimilés à des personnes vulnérables. Ils ont traditionnellement rang de partie faible et méritent assurément des protections. Mais leur situation est normale. Consommer et travailler constitue l’ordinaire du plus grand nombre. Et, pour le juriste, la vulnérabilité n’est pas le trait commun de l’humanité.

DOCUMENT 10 : Code de la défense, art. L.2141-1 [Partie 2 : Régimes juridiques de défense ; Livre Ier : Régimes d’application exceptionnelle ; Titre IV : Mobilisation et mise en garde (articles l2141-1 à l2142-1)] Article L2141-1 La mobilisation générale met en œuvre l’ensemble des mesures de défense déjà préparées. La mise en garde consiste en certaines mesures propres à assurer la liberté d’action du Gouvernement, à diminuer la vulnérabilité des populations ou des équipements principaux et à garantir la sécurité des opérations de mobilisation ou de mise en œuvre des forces armées et formations rattachées.

DOCUMENT 11 : A. Blondel, Placements financiers : comment protéger les personnes âgées vulnérables ?, Le Monde, 8 avril 2021 Le ton est cordial, mais le message clair : les vendeurs de produits financiers ont du pain sur la planche quant à la prise en compte de la vulnérabilité de certains de leurs clients âgés. Banquiers, assureurs, intermédiaires financiers : « Les établissements se doivent de mettre en œuvre une vigilance renforcée » envers ceux que le temps a fragilisés, estiment l’Autorité des marchés financiers (AMF) et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) dans une communication sur « La commercialisation de produits financiers aux personnes âgées vulnérables » qu’elles publieront ce jeudi 8 avril. Objectif : « Limiter au maximum les risques de commercialisation inadaptée », en écartant « tout risque de discrimination » liée à l’âge.

Comment mener cet exercice d’équilibriste ? Les deux autorités leur recommandent de « s’appuyer sur trois axes ». Des actions de formation et de sensibilisation des conseillers aux vulnérabilités potentielles des seniors, d’abord, pour leur permettre de mieux connaître les caractéristiques générales de cette clientèle, donc de mieux prendre en compte sa spécificité. Ensuite, la création, en interne, d’un « référent vulnérabilité », pour veiller notamment à l’implémentation de la démarche dans les pratiques commerciales.

Enfin, un renforcement des procédures internes et des contrôles de ces pratiques. Avec un mot d’ordre : respecter l’autonomie du client. L’âge, critère parmi d’autres Ces pistes émanent de discussions menées depuis 2018 avec les établissements pour connaître leurs pratiques et leurs difficultés, mais aussi avec des experts du vieillissement et des maladies neurodégénératives, des associations de consommateurs et d’autres acteurs confrontés au sujet, comme les notaires. Ces travaux ont donné naissance à un riche rapport publié concomitamment à la communication de l’AMF et de l’ACPR. « L’objectif n’est pas de traiter des arnaques financières dont sont victimes les personnes âgées, c’est un autre sujet, et nous menons par ailleurs des initiatives fortes dans ce domaine, il s’agit ici de prévenir les pratiques commerciales non adaptées », souligne Nathalie Beaudemoulin-Mouratille, directrice du contrôle des pratiques commerciales à l’ACPR. « C’est une démarche en amont, non prescriptive, pour que les acteurs se saisissent du sujet. Nous ne pouvons pas rester inactifs face aux défis du vieillissement de la population. » D’autant que cette évolution démographique intervient, selon le rapport, dans un contexte de numérisation croissante des pratiques, et qu’une part importante des seniors souffre encore d’illectronisme (l’inhabileté numérique). Les enjeux identifiés sont légion. Il y a, bien sûr, l’objectif d’adéquation du produit financier proposé à la situation du client. « A un âge avancé, la non-liquidité du patrimoine, notamment, peut poser problème, je pense à cette dame de 84 ans qui avait des parts de SCPI. Ces produits ne pouvant pas se revendre rapidement, elle ne pouvait pas payer l’assistante de vie dont elle avait besoin », illustre Claire Castanet, directrice des relations avec les épargnants et de leur protection à l’AMF. Pas simple. Il serait discriminant d’interdire certains produits à partir d’un âge donné, par exemple ceux risqués ou peu liquides. Et peu opportun : l’âge n’est qu’un critère parmi d’autres pour juger de l’adéquation d’un produit à une situation. D’autres entrent en compte, comme la situation financière et les objectifs de placement (épargne de précaution, revenus complémentaires, financement d’un établissement d’hébergement, transmission…).

A même âge, situations variées… Se superpose un exercice plus délicat encore pour le conseiller qui doit s’assurer du « consentement éclairé » de la personne : détecter une vulnérabilité. Car « le vieillissement peut s’accompagner du déclin de certaines fonctions cognitives (concentration, attention, capacités de raisonnement, mémoire immédiate), susceptible d’avoir un impact sur les capacités de certains à exprimer un consentement pleinement éclairé » pour une décision financière, résume le rapport. Pas transformer le conseiller en médecin Les règles sont claires pour les personnes sous tutelle ou curatelle, moins pour celles « juste » vulnérables. La « zone grise ». Quand les facultés sont altérées, mais qu’il n’y a pas d’incapacité juridique et que le conseiller doit respecter l’autonomie décisionnelle.Tout le monde n’est pas vulnérable au même âge. Et la vulnérabilité n’est pas définie. Il n’empêche : si l’âge n’est pas « un indicateur suffisant des capacités d’une personne, les échanges avec les notaires montrent la possibilité de définir un faisceau d’indices de vulnérabilité », estiment les auteurs du rapport. « L’idée n’est toutefois pas de transformer le conseiller en médecin », relève Mme Beaudemoulin-Mouratille. Ni de le charger de juger de la capacité juridique de son client. La question se pose quand le client achète un produit financier, mais aussi quand il s’en sépare – qu’il revend des actions ou réalise un gros retrait sur son assurance-vie, par exemple.

Face à la complexité du sujet, le rapport pourra servir de boîte à outils aux établissements financiers, dans la mesure où il énumère les expérimentations menées dans certains établissements (sans les nommer) ou dans d’autres pays, et des idées issues des groupes de travail. Parmi ces pistes, pêle-mêle : des procédures systématiques pour les demandes de souscription ou d’arbitrage après un certain âge, la systématisation d’entretiens à certaines échéances, le renforcement des contrôles des opérations réalisées sous procuration, le suivi du taux de commercialisation de produits complexes aux clients âgés, etc. Si, face à un client qui entend souscrire un produit ou désinvestir son épargne, le conseiller a un doute, une option peut être d’organiser un second rendez-vous, indique encore le rapport, pour laisser au senior le temps de comprendre les informations délivrées, et se donner luimême l’occasion de demander un second regard sur la situation (à un supérieur hiérarchique, au référent de l’établissement). Au Royaume-Uni, un partenariat entre l’Alzheimer’s Society et des banques a permis à des conseillers d’être formés « à la détection et à la gestion de cas de démence, diagnostiquée ou non » – comment parler à une personne ayant des troubles du langage, de la mémoire, etc., cite par ailleurs le rapport. Rendez-vous en 2022 Et maintenant ? L’AMF et l’ACPR demandent aux professionnels de présenter « leurs avancées sur le sujet » en 2022. « D’ici là, nous allons laisser travailler la profession, pour qu’elle ait le temps d’examiner nos pistes et de progresser. Chacun doit pouvoir avancer selon sa clientèle, son organisation », détaille Mme Castanet. « Nous savons qu’au sein des établissements financiers ces sujets remontent beaucoup du terrain, nous aimerions maintenant qu’ils structurent leurs actions, ajoute Mme BeaudemoulinMouratille. Et que les fédérations professionnelles [Fédération française de l’assurance, Fédération bancaire française, etc.] portent à leur tour la réflexion. Cela nous semble possible, les professionnels, au quotidien confrontés à ces situations, se sont beaucoup impliqués dans nos groupes de travail. » Et si la place bancaire n’agit pas, ou pas assez ? « Cette interpellation solennelle est une première étape », précise Mme Castanet. A bon entendeur.

DOCUMENT 12 : Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2016131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, JORF n°0035 du 11 février 2016, Texte n° 25 (extraits)

Paragraphe 2 : Les vices du consentement (…) S’agissant de la violence, l’ordonnance reprend l’essentiel du droit positif en vigueur, (…) L’une des innovations essentielles du texte consiste à assimiler à la violence l’abus de la dépendance dans laquelle se trouve son cocontractant, ce que la jurisprudence de la Cour de cassation a admis dans des arrêts récents, et que la doctrine et les praticiens qualifient de « violence économique », même si le texte est en réalité plus large, et n’est pas circonscrit à la dépendance économique (article 1143). En effet toutes les hypothèses de dépendance sont visées, ce qui permet une protection des personnes vulnérables et non pas seulement des entreprises dans leurs rapports entre elles. Afin de répondre aux craintes des entreprises et d’objectiver l’appréciation de cet abus, a été introduit, pour apprécier ce vice, un critère tenant à l’avantage manifestement excessif que doit en avoir tiré le cocontractant, ce qui permet d’encadrer l’application de ce texte

. DOCUMENT 13 : Avis sur le consentement des personnes vulnérables, Commission nationale consultative des droits de l’homme, 16 AVRIL 2015, (disponible sur le site internet de la CNCDH), p. 7 et s. (extraits). Dans une société moderne, les individus sont présupposés autonomes. Le sujet de droit est donc une personne capable, la capacité étant, selon l’article 1123 du code civil, le principe : il est libre de ses actes, il répond de ses faits. Sans doute est-il l’objet de multiples déterminations, sans doute évolue-t-il dans un univers incertain, si bien que son libre-arbitre ne saurait exister de manière absolue et pure. Cependant, il n’est pas contraint ou ignorant au point qu’il faille nier sa liberté. Celle-ci est relative, elle n’est pas sans consistance. Dès lors, en droit, la personne vulnérable peut se définir comme celle qui n’est pas en mesure d’exercer tous les attributs de la personnalité juridique. Le droit reconnaît deux sortes d’êtres vulnérables. Il y a tout d’abord les enfants, qui du fait de leur minorité sont trop vulnérables pour accomplir seuls les actes de la vie civile.

Dans son principe, la reconnaissance de leur vulnérabilité ne pose pas de difficulté particulière, dès lors qu’elle prend nécessairement fin à leur majorité. Parfois, elle peut néanmoins être questionnée, dans ce cas, pour certains actes personnels, le consentement du mineur est une condition préalable : en matière d’adoption, de changement de nom, ou d’informations et de décisions médicales. Une dérogation générale est également possible par l’émancipation. Il y a ensuite ceux qui pendant longtemps ont été appelés des « incapables » majeurs et que l’on appelle désormais « personnes protégées » et qui bénéficient d’une mesure de protection juridique. Il semble raisonnable, du fait d’une altération de leurs facultés cognitives et relationnelles, ou corporelles, d’admettre qu’ils ne peuvent ou ne pourront plus seuls veiller à la protection de leurs intérêts. Il faut donc prévoir une protection continue, vraisemblablement jusqu’à la fin de leur vie, dont les termes ont été profondément réformés par la loi du 5 mars 2007.

Le régime protecteur est lourd, contraignant pour la personne jugée incapable. Il faut donc être vigilant avant de reconnaître la vulnérabilité de cette dernière. La première chambre civile de la Cour de cassation en est parfaitement consciente lorsqu’elle rappelle avec constance aux juges du fond qu’ils ne peuvent se contenter d’une approche impressionniste de l’état de vulnérabilité justifiant le placement sous un régime d’incapacité. Il leur revient de vérifier avec précision, d’une part, l’altération des facultés de la personne concernée, d’autre part, la nécessité de mettre en place de manière continue des mesures de protection. La jurisprudence de la première chambre civile met largement en œuvre les principes de nécessité, de subsidiarité, de proportionnalité et d’individualisation des mesures de protection aujourd’hui expressément consacrés par la loi du 5 mars 2007 (article 428 du code civil).

Si l’incapacité, telle qu’elle est appréhendée par le code civil, répond à l’évidence à la définition de la vulnérabilité, la vulnérabilité se détache progressivement de l’incapacité. L’état de vulnérabilité est désormais plus aisément reconnu et pris en considération sans nécessairement entraîner l’application de règles protectrices lourdes entravant substantiellement la liberté d’action de leur bénéficiaire. Peuvent ainsi être considérées comme des personnes vulnérables celles qui ne sont pas en mesure d’exercer suffisamment correctement leurs droits et libertés, du fait de leur situation pathologique ou de handicap, ou de leur âge, ou de leurs conditions économiques d’existence ; elles sont à ce titre particulièrement exposées – plus que la moyenne de la population comparable – à des risques d’altérations physiques, mentales, sociales à court ou plus long terme, dont des violences et/ou négligences de toute sorte. Entrent dans cette catégorie : les personnes âgées, les personnes handicapées ou dont la santé est précaire, les personnes physiquement et psychologiquement faibles, les personnes vivant dans des conditions d’extrême pauvreté. L’introduction d’une conception large de la vulnérabilité dans l’analyse du droit est le signe d’une extension et d’une diversification des dispositifs de protection, autrefois cantonnés dans le seul droit des incapacités. Il convient par conséquent de souligner que si la très grande majorité des personnes vulnérables ne sont pas placées sous un régime de protection judiciaire, elles doivent néanmoins pouvoir bénéficier de dispositifs protecteurs qui leur garantissent les moyens d’exercer leurs droits et libertés. C’est particulièrement le cas en matière de recueil du consentement.

Ainsi, pour une large majorité, les personnes vulnérables ne sont pas des personnes dont la volonté ou le discernement sont altérés ; mais leur état de vieillissement, leur pathologie, le contexte social, sanitaire et économique dans lequel elles vivent, les placent dans une situation de vulnérabilité particulière et contraignent leur choix. Dès lors, il convient de veiller plus particulièrement à l’expression, au recueil, à l’actualité et au respect de leur consentement. L’étude des dispositions législatives montre que celles-ci ont connu ces dernières années des évolutions importantes, tendant à mettre en œuvre certaines préconisations du Conseil de l’Europe qui rappellent que « le principe de la liberté de choix est fondamental afin de garantir le respect de la dignité et de l’autodétermination de la personne dépendante » et que les principes suivants doivent prévaloir à l’instauration de toute mesure de protection : • −« préservation maximale de la capacité » de la personne, • −« nécessité et subsidiarité » de la mesure de protection, • −« prééminence des intérêts et du bien-être de la personne », • −« respect des souhaits et des sentiments de la personne ».

Avant loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, la question du consentement des personnes particulièrement vulnérables du fait d’altérations physiques ou mentales était envisagée sous le prisme de la capacité entendue de manière purement binaire : « on est capable et on peut consentir à tout » ; « on est incapable et on ne peut consentir à rien ». Le majeur placé sous curatelle ou tutelle était incapable. La loi du 5 mars 2007 a nuancé les choses. Il est d’ailleurs intéressant de noter que le droit ne parle plus d’incapacité mais de « majeurs protégés par la loi ». La grande innovation de la loi de 2007 est d’avoir instauré un système de consentement que l’on pourrait qualifier de gradué pour les actes qui touchent le plus fondamentalement à la personne. Ainsi la loi prévoit s’agissant des « actes dont la nature implique un consentement strictement personnel », que le système de représentation ou d’assistance est purement et simplement écarté : « la déclaration de naissance d’un enfant, sa reconnaissance, les actes de l’autorité parentale relatifs à la personne d’un enfant, la déclaration du choix ou du changement du nom d’un enfant et le consentement donné à sa propre adoption ou à celle de son enfant », le majeur protégé ne peut être ni assisté, ni représenté pour ces actes qui exigent qu’il exprime lui-même sa volonté. Si la personne n’est pas en état de consentir elle- même, ces actes ne pourront être accomplis. Le législateur a choisi de ne pas empiéter sur les prérogatives inhérentes à la personne, pour éviter de porter atteinte à sa dignité, quelles que puissent être les conséquences, même pour autrui, si la personne est de fait incapable de consentir à de tels actes.

Concernant les actes relatifs à l’autorité parentale, cette disposition semble être en contradiction avec « l’intérêt supérieur de l’enfant » d’être protégé et élevé par des adultes ayant pleinement la capacité d’agir. Du point de vue de l’enfant, cette disposition législative est inadaptée à la protection de l’enfance : un majeur protégé ne peut prendre seul des décisions concernant sa propre santé, mais pourrait prendre seul des décisions concernant la santé de son enfant. Le magistrat devrait systématiquement s’interroger à ce sujet, afin que soit associé le tuteur ou le curateur à toute prise de décision, lorsqu’une mesure de protection est envisagée.

Pour toutes les autres décisions relatives à la personne du majeur protégé, l’appréciation de son discernement au cas par cas doit être le principe. Si le majeur est en état de prendre seul la décision de manière éclairée, il consent seul ; s’il a besoin d’être assisté, il consent avec l’assistance de son tuteur ou curateur, de sa personne de confiance ou de son mandataire de protection future ; s’il a besoin d’être représenté, c’est son représentant qui consent pour lui. Ces dispositions ont le mérite de permettre de prendre en considération les spécificités de chacun et de tenir compte du discernement, critère plus intéressant que celui de la capacité en matière de consentement : un majeur protégé peut avoir un discernement suffisant pour consentir à tel type d’acte et pas pour tel autre ; il peut avoir un meilleur discernement qu’un majeur non protégé mais très vulnérable.

DOCUMENT 14 : CEDH, 21 octobre 2021, affaire « M.D. et A.D. c. France » (extraits) 1. Les requérantes, une mère et sa fille alors âgée de quatre mois, furent placées au centre de rétention administrative no 2 du Mesnil-Amelot dans le cadre d’une procédure de transfert en Italie pendant onze jours. 2. Les requérantes soutiennent que leur placement et leur maintien en rétention administrative est contraire aux articles 3 et 5 § 1 f) de la Convention. Elles font également valoir l’inefficacité du recours pour contester la légalité de la rétention de l’enfant mineur sous l’angle de l’article 5 § 4 de la Convention. Les requérantes soutiennent enfin que leur placement en rétention a porté atteinte à leur droit au respect de leur vie familiale au sens de l’article 8 de la Convention (…).

EN DROIT I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION 51. Les requérantes soutiennent que leur placement en rétention administrative constitue un traitement inhumain et dégradant. Elles invoquent l’article 3 de la Convention aux termes duquel : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. » (…)

1. Appréciation de la Cour

a) Principes généraux 63. Le placement d’enfants mineurs en rétention administrative soulève des questions spécifiques dans la mesure où, qu’ils soient ou non accompagnés, ils sont particulièrement vulnérables et appellent une prise en charge spécifique compte tenu de leur âge et de leur absence d’autonomie (Popov, précité, § 91). S’agissant du placement en rétention administrative de mineurs accompagnés, la Cour apprécie l’existence d’une violation de l’article 3 de la Convention en mobilisant les trois facteurs suivants : l’âge des enfants mineurs, le caractère adapté ou non des locaux au regard de leurs besoins spécifiques et la durée de leur rétention (voir notamment sur ce point, R.M. et autres c. France, no 33201/11, § 70, 12 juillet 2016, S.F. et autres c. Bulgarie, no 8138/16, §§ 78-83, 7 décembre 2017).

b) Application de ces principes au cas d’espèce 65. La Cour constate qu’en l’espèce, la requérante mineure était accompagnée de sa mère durant la période de rétention. Elle rappelle toutefois comme dans l’affaire A.B. et autres c. France, précitée, § 110, que cette circonstance n’est pas de nature à exonérer les autorités de leur obligation de protéger l’enfant mineur et de prendre des mesures adéquates au titre des obligations positives découlant de l’article 3 de la Convention. À ce titre, il convient de garder à l’esprit que la situation de particulière vulnérabilité de l’enfant mineur est déterminante et prévaut sur la qualité d’étranger en séjour irrégulier de son parent. (…) 71. Compte tenu du très jeune âge de la seconde requérante, des conditions d’accueil dans le centre de rétention no 2 du Mesnil-Amelot et de la durée du placement en rétention, la Cour estime que les autorités compétentes l’ont soumise, à un traitement qui a dépassé le seuil de gravité requis par l’article 3 de la Convention.

Eu égard aux liens inséparables qui unissent une mère et son bébé de quatre mois, aux interactions qui résultent de l’allaitement ainsi qu’aux émotions qu’ils partagent, la Cour estime qu’il en va de même, dans les circonstances particulières de l’espèce, s’agissant de la première requérante. Partant, il y a eu violation de l’article 3 de la Convention à leur égard.

PAR CES MOTIFS, LA COUR 1. Déclare, à l’unanimité, la requête recevable ; 2. Dit, par six voix contre une, qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention à l’égard des requérantes ; (…)