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- Accident complexe : quand apprécier la qualité de conducteur ? – lire l’article
- Mariage fictif : les articles 8 et 12 de la Conv. EDH ne s’appliquent pas – lire l’article
- Sort du bail dérogatoire au-delà du terme contractuel – lire l’article
Accident complexe : quand apprécier la qualité de conducteur ?
Crim. 3 mai 2017, n° 16-84.485
La qualité de conducteur perdure lors des différentes phases d’un accident complexe, accident unique au cours duquel des collisions se succèdent dans un enchaînement continu et dans un même laps de temps.
Sur une route à double voie de circulation, un poids lourd avait heurté, par l’arrière, une voiture roulant dans la même voie. Descendu de son camion pour porter assistance au conducteur de la voiture, le conducteur du poids lourd avait été heurté par une autre voiture s’étant déportée sur la voie de gauche pour dépasser le camion arrêté sur le bas-côté. Les juges du fond avaient, d’une part, écarté la faute du conducteur de la première voiture impliquée dans l’accident et, d’autre part, considéré que le conducteur du camion avait la qualité de piéton au moment de la collision avec la deuxième voiture et pouvait, par voie de conséquence, prétendre à un droit à indemnisation intégrale.
Le pourvoi interrogeait donc la notion de faute du conducteur victime et le moment de l’appréciation de la qualité de conducteur dans un accident complexe. Ce dernier point qui donne lieu à cassation est le plus intéressant car c’est, à notre connaissance, la première fois que la chambre criminelle se prononce en avalisant la position déjà explicitée par la deuxième chambre civile. Précisons qu’en l’espèce, l’arrêt d’appel avait écarté la notion d’accident unique et considéré que l’accident s’était déroulé en deux phases distinctes : la première à l’issue de laquelle le poids lourd avait heurté la voiture et la seconde lors de laquelle le conducteur du poids lourd, descendu de son véhicule pour prêter assistance au conducteur de la voiture, avait été percuté de plein fouet par un autre véhicule circulant sur la même voie qui avait entrepris de doubler le camion. Les magistrats du fond avaient estimé que le conducteur du poids lourd avait alors la qualité de piéton.
Au visa de l’article 593 du code de procédure pénale, la Cour de cassation souligne qu’« en statuant ainsi, alors qu’elle avait relevé que le véhicule conduit par M. Y… était impliqué dans la première collision et que la qualité de conducteur perdure lors des différentes phases d’un accident complexe au cours duquel des collisions se succèdent dans un enchaînement continu et dans un même laps de temps, et qui constitue un accident unique, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ». Chacun garde en mémoire la savante exégèse développée par la haute juridiction quant au maintien de la qualité du conducteur éjecté de son véhicule dans l’hypothèse où il continue, au moment du second choc, de subir les effets de l’énergie cinétique imprimée par le premier accident (v. not. Civ. 2e, 4 oct. 1989, n° 88-15.800, Bull. civ. II, n° 153 ; RTD civ. 1990. 510, obs. P. Jourdain ; Gaz. Pal. 1990. Pan. 1 ; JCP 1991. II. 21600, note Dagorne-Labbe). Au fil d’une jurisprudence évolutive, la Cour de cassation avait montré une nette tendance à globaliser les accidents complexes (v. not. Civ. 2e, 20 juin 2002, n° 00-20.747, Bull. civ. II, n° 107 ; RTD civ. 2002. 827, obs. P. Jourdain ).
Poursuivant cette logique, la 2ème chambre civile a adopté une lecture causaliste de la qualité de conducteur dans un arrêt du 1er juillet 2010, les faits de cette espèce étaient similaires à ceux soumis, dans notre arrêt, à la chambre criminelle : le conducteur d’un premier véhicule qui avait percuté un deuxième véhicule avait été mortellement fauché par un troisième alors qu’il était descendu de voiture pour constater les dégâts occasionnés par le premier choc. La Cour de cassation, pour dire que la victime fauchée par le dernier véhicule n’avait pas la qualité de piéton, énonça que « la qualité de conducteur ou de piéton de la victime ne pouvait changer au cours de l’accident reconnu comme un accident unique et indivisible » (Civ. 2e, 1er juill. 2010, n° 09-67.627, Bull. civ. II, n° 127 ; Dalloz actualité, 15 juill. 2010, obs. I. Gallmeister ; D. 2010. 1786 ; ibid. 2011. 35, obs. P. Brun et O. Gout ; ibid. 632, chron. J.-M. Sommer, L. Leroy-Gissinger, H. Adida-Canac et S. Grignon Dumoulin ; RTD civ. 2010. 792, obs. P. Jourdain ; JCP 2010. 435, n° 7, obs. C. Bloch). Cette solution, pour conforme qu’elle soit à l’esprit de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 en faisant répondre de sa faute le conducteur qui a créé le risque de circulation, n’est pas à l’abri, pour autant, de toute critique. Il n’est nul besoin de disserter sur le sort peu enviable réservé au conducteur par la loi Badinter et sur la nécessité de réformer ce statut que beaucoup appellent de leurs vœux (F. Chabas, Les accidents de la circulation, RID comp. 1988. 494 ; H. Groutel, La faute du conducteur victime dix ans après…, D. 1995. Chron. 335 ; F. Leduc, La sanction de la faute du conducteur victime en question, RCA 2011. Étude 12 ; v. égal. les projets de réformes, P. Catala [dir.], Rapport sur l’avant-projet de réforme du droit des obligations et de la prescription, remis au garde des Sceaux, le 22 sept. 2005, art. 1358-2 ; F. Terré [dir.], Pour une réforme du droit de la responsabilité civile, Dalloz, coll. « Thèmes et commentaires », 2011, art. 26, al. 2. ; v. enfin le rapport de la Cour de cassation pour 2005 : 1re partie, 4e suggestion tendant à la modification de l’article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et à l’abrogation de l’article 4 de la même loi).
Si on comprend l’interprétation téléologique adoptée dans notre arrêt par la chambre criminelle, la conception élargie de la notion d’accident unique interroge. Il aurait été, à notre sens, possible de soutenir, à l’instar de la position adoptée par les juges d’appel, qu’il ne s’agissait pas d’un accident « unique et indivisible » se déroulant dans « un même laps de temps » dès lors que deux phases distinctes avaient pu être identifiées. En adoptant une conception trop extensive de la notion d’accident unique, la chambre criminelle prend le risque d’accroître encore la rigueur de la situation du conducteur victime, déjà peu protégé par la loi.
L’autre question posée à la Cour de cassation avait trait à l’appréciation de la faute du conducteur-victime. En effet, pour écarter le moyen tiré de la faute de M. T…, conducteur de la première voiture, l’arrêt avait relevé qu’il circulait sur la voie de droite, à une vitesse estimée à 90 km/h, puis qu’il avait ralenti pour une raison inconnue à 70 km/h. L’arrêt soulignait également que le poids lourd circulait à une vitesse supérieure à la maximale autorisée en conduisant un véhicule frappé d’une interdiction de circuler et qu’il n’avait pas été en mesure de freiner pour éviter la collision avec un véhicule ayant faiblement ralenti. Les juges d’appel avaient ainsi conclu que c’est la faute de conduite du conducteur du poids lourd qui avait été à l’origine de l’accident sans qu’aucune faute ne puisse être reprochée au conducteur de la voiture. Il est évident, à la lecture de cette motivation, que les juges d’appel n’ont pas fait fi du comportement du conducteur du poids lourd, pour apprécier la faute du conducteur de la voiture. Néanmoins, s’il est acquis que la deuxième chambre civile fait preuve d’une extrême rigueur en la matière, exigeant que le juge « fasse abstraction du comportement de l’autre conducteur » pour apprécier la faute du conducteur-victime (v. Civ. 2e, 11 juill. 2002, n° 00-22.445, Bull. civ. II, n° 159 ; D. 2003. 859 , note H. Groutel ; RCA 2002, n° 329 ; 7 oct. 2010, nos 09-69.572, 09-70.001 et 09-11.259, Dalloz jurisprudence ; 16 sept. 2010, n° 09-70.100, RCA 2010, n° 318, obs. H. Groutel), la chambre criminelle sait se montrer plus souple en ce domaine puisque, sous réserve que le juge du fond justifie sa décision par une réelle appréciation de la faute du conducteur-victime, elle ne censure pas les décisions qui prennent également en considération le comportement de l’autre conducteur (V. Crim. 4 nov. 2003, n° 03-81.128 ; 2 juin 2004, n° 03-85.811, Bull. crim. no 142 ; Gaz. Pal. 2005. Somm. 1276 ; RCA 2004, n° 257, obs. H. Groutel ; 27 juin 2006, nos 05-86.372, 05-87.343 et 05-87.114, Bull. crim., n° 196 ; AJ pénal 2006. 448, obs. G. Roussel; RTD civ. 1996. 781, obs. P. Jourdain; V. cependant Crim. 31 mai 2005, nos 04-86.476 et 04-86.231, Bull. crim. n° 164 ; D. 2005. 1806; RTD civ. 2005. 790, obs. P. Jourdain; RCA 2005. Étude 13, obs. H. Groutel). Ainsi, dans notre arrêt, la Chambre criminelle reste fidèle à sa jurisprudence antérieure en n’exigeant pas formellement du juge du fond qu’il fasse abstraction du comportement de l’autre conducteur pourvu qu’il porte une appréciation précise et circonstanciée quant aux fautes de conduite potentiellement commises par le conducteur. Nous avions déjà souligné qu’une telle jurisprudence nous semble opportune et résulte d’un souci pragmatique en matière pénale dans la mesure où il paraît, pour le moins, délicat que le tribunal correctionnel qui prend la mesure de la responsabilité pénale du conducteur se bande les yeux au moment de statuer sur l’action civile (v. Dalloz actualité, 1er avr. 2015, obs. L. Priou-Alibert ).
Thème 17 – Le fait générateur : le fait des choses
Section 2 – Les régimes spéciaux de responsabilité du fait des choses
Sous-section 2 – L’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation
Droit de la famille et des régimes matrimoniaux
Mariage fictif : les articles 8 et 12 de la Conv. EDH ne s’appliquent pas
Civ. 1re, 1er juin 2017, n° 16-13.441
En l’absence de toute intention matrimoniale et de toute vie familiale effective, un mariage est fictif et n’entre pas dans le champ d’application des articles 8 et 12 de la Convention européenne des droits de l’homme.
« Les femmes célibataires ont une épouvantable propension à être pauvres, ce qui est un argument très sérieux en faveur du mariage ». Voici des faits qui pourraient donner raison à Jane Austen. Madame Brigitte X. et Monsieur Gilbert Y. avaient conclu ce qu’il convient d’appeler un « mariage successoral ». En effet, leur union était quelque peu originale, Madame Brigitte X. étant la fille de la véritable compagne de Monsieur Gilbert Y. Ce dernier, souhaitant faire de sa « belle-fille » son héritière avait un temps pensé à l’adopter avant de préférer en faire son épouse. Ainsi, le 3 mai 2000 M. Y. et Mme X. se marient en la seule présence de deux témoins dont l’un n’est autre que la mère de la mariée. Puis chaque époux reprend sa vie là où il l’avait laissait le temps de la cérémonie. Ainsi M. Gilbert Y. continue de partager sa vie avec celle qui est devenue sa « belle-mère » et qui est et demeure aux yeux de tous sa compagne. Onze ans plus tard, le mariage se dénoue par le décès de M. Y. Les enfants du défunt, issus d’une première union et qui n’ont appris que tardivement le lien matrimonial qui unissait leur père et Mme X., demandent et obtiennent l’annulation du mariage qualifié alors de fictif. Mme X. souhaitant obtenir la cassation de la décision des juges du fond argue du fait que l’annulation de son mariage porte une atteinte injustifié au respect de sa vie privée et familiale. Il revient donc à la Cour de cassation de s’interroger sur la contrariété, de l’article 146 du code civil et des articles 8 et 12 de la Convention européenne des droits de l’homme. La Cour de cassation y répond par la estimant « qu’un mariage purement fictif ne relève pas de la sphère protégée par les articles 8 et 12 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en l’absence de toute intention matrimoniale et de toute vie familiale effective ».
Par cette solution la Cour de cassation confirme le caractère fictif du « mariage successoral » et affirme que la nullité d’un tel mariage ne peut porter atteinte aux articles 8 et 12 de la Convention.
La nullité du « mariage successoral »
Conformément à la jurisprudence établie de longue date en matière de mariage fictif, l’union litigieuse a été annulée pour défaut de consentement sur le fondement de l’article 146 du code civil (V. not. Civ. 1re, 20 nov. 1963, Appietto, Bull. civ. I, n° 506 ; D. 1964. 465, note Raymond ; JCP 1964. II. 13498, note J. Mazeaud ; RTD civ. 1964. 286, obs. Desbois). Selon, la Cour de cassation un mariage est simulé ou fictif « lorsque les époux ne se sont prêtés à la cérémonie qu’en vue d’atteindre un but étranger à l’union matrimoniale » (Civ. 1re, 28 oct. 2003, n° 01-12.574, D. 2004. 21 , note J.-P. Gridel ; ibid. 2964, obs. J.-J. Lemouland ; AJ fam. 2004. 27, obs. F. B. ; RTD civ. 2004. 66, obs. J. Hauser ; Dr. fam. 2004. Comm. 15, obs. V. Larribau-Terneyre ; Defrénois 2004, p. 143, obs. J. Massip). C’est le cas lorsque l’un des époux « n’avait pas eu l’intention de se soumettre à toutes les obligations nées de l’union conjugale », celui-ci n’ayant été mu que par la volonté de capter le patrimoine de son conjoint (Civ. 1re, 19 déc. 2012, n° 09-15.606, Bull. civ. I, n° 267 ; D. 2013. 1117, obs. I. Gallmeister , note E. Naudin ; ibid. 798, obs. M. Douchy-Oudot ; ibid. 1089, obs. J.-J. Lemouland et D. Vigneau ; AJ fam. 2013. 137, obs. B. de Boysson ; RTD civ. 2013. 353, obs. J. Hauser ; JCP 2013 819, obs. M. Lamarche ; ibid. 337, obs. F. Boulanger ; Dr. fam. 2013. Comm. 24, obs. V. Larribau-Terneyre). Ainsi le mariage qui a comme seul objectif de conférer des droits successoraux à l’épouse, et tel était le cas en l’espèce, est un mariage fictif. Cependant, dans l’arrêt commenté la Cour de cassation retient une définition différente de ce type d’union. Selon ces termes, le mariage est simulé « en l’absence de toute intention matrimoniale et de toute vie familiale effective ». Elle se rapproche ainsi de celle retenue par le droit européen dont le respect par sa jurisprudence était mis en cause.
La nullité du mariage fictif et les articles 8 et 12 de la Convention
La nullité du mariage pouvait-elle être remise en cause sur le fondement du respect de la vie privée et familiale tel que protégé par la Convention européenne des droits de l’homme ? Cela était peu probable. Premièrement, parce que l’article 12 de la Convention n’empêche pas les restrictions, le contrôle ou les oppositions qu’un État peut effectuer à l’encontre de certains mariages (V. not. en matière de mariage des étrangers, CEDH 16 oct. 1996, Sanders c/ France, n° 31401/96). Bien évidemment les atteintes ainsi portées doivent être proportionnées. Sans doute en soulevant cet argument la demanderesse espérait-elle que la Cour de cassation recourût à un contrôle de proportionnalité auquel elle s’adonne volontiers ces derniers temps. Cependant, et c’est là notre second point, cela était fort peu envisageable puisque que la Cour européenne des droits de l’homme exclue elle-même les mariages fictifs de la protection des articles 8 et 12 de la Convention (CEDH 28 mai 1985, Abdulaziz, Cabales et Balkandali c/ Royaume-Uni, § 62, série A, n° 94). En effet, selon cette jurisprudence, le droit au respect de la vie familiale «présuppose l’existence d’une famille», « et ce mot “famille” (…) englobe la relation née d’un mariage légal et non fictif ». Autrement-dit, il n’y a pas de vie familiale là où il y a mariage fictif et il n’y a pas de protection de la vie familiale là où il n’y a pas de famille. C’est là la solution reprise par la Cour de cassation dans l’arrêt commenté.
Thème 8 – Formation du mariage
Section 1 – Sanction du non-respect des conditions du mariage
Droit commercial et des affaires
Sort du bail dérogatoire au-delà du terme contractuel
Civ. 3e, 8 juin 2017, n° 16-24.045
Quelle que soit la durée du bail dérogatoire ou du maintien dans les lieux, si le preneur reste et est laissé en possession au-delà du terme contractuel, il s’opère un nouveau bail dont l’effet est régi par les règles statutaires.
Par cet arrêt de rejet, la haute juridiction s’intéresse au sort réservé au bail dérogatoire conclu au visa de l’article L. 145-5 du code de commerce au-delà de son terme contractuel.
En l’espèce, alors que, le 14 juin 2010, les parties avaient conclu un bail dérogatoire de quatre mois, le locataire s’était maintenu et avait délivré congé pour le 15 avril 2012, la libération des lieux et la remise des clés intervenant avant le deuxième anniversaire de la prise d’effet du contrat.
Le bailleur devait alors assigner son cocontractant en paiement des loyers et des charges échus postérieurement au terme du bail dérogatoire.
Il a obtenu gain de cause en appel (Paris, 24 juin 2016, n° 14/11971), le juge du fond estimant qu’à l’issue du bail dérogatoire de quatre mois (le 14 oct. 2010), le locataire était lié par un bail statutaire.
Au soutien de son appel, le preneur a fait principalement valoir que le statut des baux commerciaux ne pouvait s’appliquer, puisqu’il n’était pas resté et n’avait pas été laissé en possession à l’expiration du délai légal de deux ans suivant la conclusion du premier bail dérogatoire. Il revendiquait par conséquent l’application de l’article 1738 du code civil qui, réglant le sort des baux écrits expirés, prévoit la conclusion d’un nouveau bail à durée indéterminée régi par les dispositions du seul code civil.
Ses arguments sont rejetés par la haute juridiction qui décide que, quelle que soit la durée du bail dérogatoire ou du maintien dans les lieux, si le preneur reste et est laissé en possession au-delà du terme contractuel, il s’opère un nouveau bail dont l’effet est régi par les règles statutaires.
En dépit de la généralité de la formulation employée par les hauts magistrats, on se gardera bien de voir dans cette décision la négation de la faculté offerte par l’article L. 145-5 du code de commerce aux parties (depuis la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008) de conclure des baux dérogatoires successifs dans la limite de la durée fixée par le texte, soit deux ans avant la loi Pinel du 18 juin 2014 et trois ans depuis (pour des décisions rendues sous l’empire du texte dans sa version antérieure à 2008, V. Civ. 3e, 8 oct. 1986, Bull. civ. III, n° 135 ; 19 juill. 2000, n° 99-12.091, AJDI 2000. 954 ; 22 janv. 2003, n° 01-16.490, Bull. civ. III, n° 12 ; D. 2003. 624 , obs. Y. Rouquet ; 13 juin 2012, n° 11-16.356, AJDI 2013. 199 , obs. N. Damas ; précisant que le preneur ne peut soutenir qu’en l’absence d’écrit, le bail aurait été conclu pour une durée indéterminée, ce qui l’autorisait à le dénoncer à tout moment, V. Colmar, 30 nov. 2006, Gaz. Pal. 2007. 2. Somm. 2629, obs. Ch.-É. Brault).
En effet, en l’occurrence, le « terme contractuel » du bail dérogatoire litigieux était nécessairement de quatre mois puisque, ainsi que cela ressort de l’arrêt d’appel et du moyen du pourvoi, « les parties [avaient] entendu contracter pour une durée de quatre mois, de manière irrévocable, sans que cette durée [puisse être] prorogée ou révoquée ». Le bail dérogatoire n’a ainsi pas pu être tacitement reconduit.
En définitive, aujourd’hui encore plus qu’hier, il semble hautement souhaitable « de prévoir une reconduction automatique du bail dérogatoire dans la limite de la durée maximale de trois ans » (J. Monéger, son commentaire ss. l’art. L. 145-5 c. com., in Code des baux Dalloz, éd. 2017, p. 729).
Thème 6-Le bail commercial
Section 2 – Le statut des baux commerciaux
- 1. L’exécution du bail commercial
- 2. Le terme du bail commercial