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- Inceste : l’interdiction de la double filiation levée ? – lire l’article
- Promesse d’embauche : offre ou promesse unilatérale de contrat de travail – lire l’article
- Crèches : à Nantes, c’est oui, à Lyon, c’est non – lire l’article
Droit des personnes et de la famille
Inceste : l’interdiction de la double filiation levée ?
CA Caen, 8 juin 2017, n° 16/01314
Si la loi française prohibe l’établissement d’un second lien de filiation de l’enfant né d’un inceste, cette prohibition doit être contournée si l’intérêt de l’enfant le dicte.
Une enfant née d’un demi-frère et d’une demi-sœur, lesquels ignoraient le lien de filiation qui les unissait, avait été reconnue par son père avant que son acte de naissance désignât sa mère comme étant la sienne. Près de quinze ans plus tard, le Procureur de la République avait fait assigner les parents aux fins de voir annuler le lien de filiation, en ce qu’il était issu d’une procréation incestueuse, entre la mère et l’enfant et ordonner l’établissement d’un nouvel acte de naissance sur le fondement de l’article 310-2 du Code civil. Pour annuler le lien de filiation maternelle entre la mère et l’enfant, le juge aux affaires familiales releva que sa filiation maternelle avait été établie en second lieu, par la désignation du nom de la mère dans l’acte de naissance, ce qui était impossible au regard de la reconnaissance anténatale effectuée par le père et que l’intérêt supérieur de l’enfant, en commandant que l’origine incestueuse de sa filiation ne soit pas connue de tous, justifiait que soit annulé le lien de filiation établi en second.
En cause d’appel, la mère argua du fait qu’elle s’occupait de l’enfant depuis sa naissance, que les unissaient des liens affectifs très forts, que les tiers comme le père de l’enfant ne remettaient pas en cause sa qualité de mère et que l’annulation du lien de filiation maternelle était contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant.
Sous un angle différent, le ministère public soutenait que la reconnaissance prénatale de l’enfant ne produisant ses effets qu’à compter de la naissance, soit au même moment que l’établissement de la filiation maternelle, par la désignation de la mère dans l’acte, les deux liens de filiation avaient finalement été établis concomitamment. Il conclut à l’infirmation de la décision au regard de l’intérêt de l’enfant, lequel imposait selon lui en l’espèce de maintenir le lien de filiation maternelle dès lors que depuis sa naissance, l’enfant vivait avec sa mère, qui assumait seule l’ensemble de ses besoins tant affectifs que matériels.
Après avoir procédé au rappel du contenu des articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme et celui, moins connu, du texte de l’article 7 de la Convention de New-York relative aux droits de l’enfant qui dispose que l’enfant est en droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux, la Cour d’appel achève cet exposé par le rappel des dispositions nationales de l’article 310-2 du Code civil prévoyant que s’il existe entre les père et mère de l’enfant un des empêchements à mariage prévus par les articles 161 et 162 du Code civil pour cause de parenté, la filiation étant déjà établie à l’égard de l’un, il est interdit d’établir la filiation à l’égard de l’autre par quelque moyen que ce soit. Autrement dit, si les procréateurs sont, comme en l’espèce, frère et sœur, ou que l’un d’entre eux est un ascendant de l’autre, seule l’une des parentés biologiques peut donc être dévoilée. Il a en effet paru préférable de priver l’enfant, dans son intérêt, de son père ou de sa mère plutôt que d’officialiser l’inceste ayant permis sa conception.
Pour masquer cette liaison inavouable mais féconde, on sacrifie ainsi la paternité ou la maternité : dès lors que l’une d’entre elles est rendue publique, l’autre doit nécessairement rester secrète. C’est de cette conception logique, morale et a priori respectueuse de l’intérêt de l’enfant que les juges du fond se démarquent, étonnamment, dans cette affaire. Se livrant à une analyse pragmatique et concrète des faits de l’espèce, les juges tiennent compte de l’environnement direct de l’enfant, de la réalité et de la qualité de ses liens avec ses deux parents pour apprécier autrement l’intérêt qu’aurait l’enfant, outre la désorientation dont elle pourrait être victime et de l’impact psychologique qu’elle pourrait subir, de voir sa filiation maternelle annulée.
En ce sens, les juges soulignent que l’enfant vit depuis sa naissance avec sa mère dont la maternité, de toute évidence, est certaine et dont l’engagement dans la parentalité n’est pas contesté, notamment par le propre père de l’enfant, lequel ne démontre pas avoir entretenu ni entretenir actuellement avec sa fille des liens particulièrement étroits, et sans même rapporter la preuve qu’il en aurait été empêché de le faire par la mère.
En conséquence, au regard de l’intérêt particulier de cet enfant et des conséquences inévitablement dommageables qu’aurait pour elle, dans la construction de son identité, l’annulation d’un lien de filiation sur lequel s’est construite jusqu’à présent sa place dans l’histoire familiale, la cour d’appel réforme le jugement reconnaissant ainsi, pour la première fois, une double filiation incestueuse.
En effet, jusqu’à présent, l’enfant incestueux reste le seul enfant à l’égard duquel subsiste une prohibition en matière d’établissement du lien de filiation. L’on peut s’interroger sur l’avenir de cette décision, en droit interne mais aussi en droit européen. Il est en effet tout à fait envisageable que cette question soit un jour soumise à l’examen de la Cour européenne des droits de l’homme, celle-ci ayant qualifié d’atteinte excessive au droit du mariage, dans une décision en date du 13 septembre 2005 (n° n°36536/02), l’empêchement à mariage entre un beau-père et sa belle-fille, tous deux divorcés. Cela étant, si la suppression de cet empêchement à mariage porte atteinte à l’ordre public familial, le principe généalogique que protège la prohibition de l’inceste n’en ressort pas violé en sorte qu’une remise en cause de l’inceste relatif au lien de filiation ne peut certainement être augurée. Certes, sous l’angle de l’article 14 de la Convention, on ne peut nier que les enfants issus d’un inceste, et donc condamnés à ne bénéficier que d’un seul lien de filiation, sont victimes de discrimination, mais celle-ci est traditionnellement rendue légitime par le but poursuivi, l’intérêt de l’enfant à ne pas avoir à faire connaître la réalité de sa conception.
C’est tout l’intérêt de la décision rapportée, qui s’éloigne d’une conception peut-être trop théorique ou catégorique de l’intérêt de l’enfant pour privilégier, au-delà des reconnaissances filiales, le quotidien et la réalité des liens qui fondent son équilibre et que la suppression d’une filiation, a priori souhaitable, viendrait, concrètement, rompre.
Thème 14 – Filiation par procréation naturelle
Section 1 – PRINCIPES FONDAMENTAUX
- 1. Principe d’égalité
2) Portée du principe
- b) Enfants nés d’un inceste absolu
Promesse d’embauche : offre ou promesse unilatérale de contrat de travail
Soc. 21 sept. 2017, n° 16-20.103
Soc. 21 sept. 2017, n° 16-20.104
La chambre sociale décide que l’évolution du droit des obligations, résultant de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, conduit à apprécier différemment, dans les relations de travail, la portée des offres et promesses de contrat de travail.
Par ces deux décisions promises à la plus large diffusion, la chambre sociale revient sur une jurisprudence bien établie, et pourtant critiquable, selon laquelle la promesse d’embauche valait contrat de travail (constitue une promesse d’embauche valant contrat de travail l’écrit qui précise l’emploi proposé et la date d’entrée en fonction, la rupture de cet engagement s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, v. Soc. 15 déc. 2010, n° 08-42.951). Cette jurisprudence se voulait protectrice des intérêts du salarié puisque, comme la Cour de cassation le souligne dans sa note explicative publiée sur son site internet, « dès lors que la promesse d’embauche mentionnant la date d’entrée en fonction et l’emploi proposé valait contrat de travail, l’employeur se trouvait empêché de la retirer, même si le salarié ne l’avait pas encore acceptée », mais elle « présentait quelques difficultés en ce qu’elle ne prenait pas en compte la manifestation du consentement du salarié pour s’attacher exclusivement au contenu de l’acte émanant de l’employeur. Ainsi, un acte unilatéral emportait les effets d’un contrat synallagmatique » (en ce sens, v. nos obs. préc. ; J.-Y. Frouin, Le contrat de travail et les dérogations au droit commun du contrat, Dr. soc. 2017. 696).
Dans chacune des deux affaires, un joueur de rugby avait reçu une promesse d’embauche émanant d’un club, respectivement le 25 mai 2012 (pourvoi n° 16-20.103) et le 22 mars (pourvoi n° 16-20.104). Le 6 juin 2012, le club informait les deux joueurs qu’il n’entendait pas donner suite aux contacts noués. Le 12 puis le 18 juin, chacun des deux joueurs retournait la promesse d’embauche signée. La cour d’appel de Montpellier, saisie du litige, a fait application de la jurisprudence alors applicable aux faits de l’espèce : la promesse d’embauche vaut contrat de travail.
La chambre sociale rend sa décision au visa des articles 1134 du code civil dans sa version applicable à l’espèce et L. 1221-1 du code du travail soulignant que « l’évolution du droit des obligations, résultant de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, conduit à apprécier différemment, dans les relations de travail, la portée des offres et promesses de contrat de travail ».
Elle énonce que :
- l’acte par lequel un employeur propose un engagement précisant l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction et exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation constitue une offre de contrat de travail, qui peut être librement rétractée tant qu’elle n’est pas parvenue à son destinataire ; que la rétractation de l’offre avant l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, l’issue d’un délai raisonnable fait obstacle à la conclusion du contrat de travail et engage la responsabilité extra-contractuelle de son auteur ;
- la promesse unilatérale de contrat de travail est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat de travail, dont l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction sont déterminés et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire ; que la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat de travail promis.
Les décisions du juge du fond sont par conséquent censurées puisqu’il n’a pas constaté que, dans chacune des deux hypothèses, l’acte offrait au joueur le droit d’opter pour la conclusion du contrat de travail dont les éléments essentiels étaient déterminés et pour la formation duquel ne manquait que son consentement.
Il appartiendra à la cour d’appel de renvoi de relever si les éléments constitutifs de la promesse unilatérale de contrat de travail sont réunis. Si tel n’est pas le cas, une offre de contrat de travail sera caractérisée et le délai entre sa présentation et sa rétractation sera jugé comme raisonnable ou non, critère permettant la mise en jeu de la responsabilité de l’auteur de l’offre.
La Cour de cassation applique par anticipation la réforme du droit des obligations aux faits de l’espèce. Les dispositions de l’ordonnance du 10 février 2016 ne sont entrées en vigueur que le 1er octobre 2016 et, conformément à l’article 9 de ce texte, les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 demeurent soumis à la loi ancienne. Cette application permet à la chambre sociale de rendre, et là réside le paradoxe, une décision qui n’aurait pas véritablement heurté la lettre et l’esprit du droit antérieur à la réforme.
Thème 2 – Conclusion du contrat de travail
Section 2 – AU MOMENT DE LA CONCLUSION : CONDITIONS
- 1. Conditions de fond
- Exigence des conditions
1) Consentement des parties
Protection des droits et libertés fondamentales
Crèches : à Nantes, c’est oui, à Lyon, c’est non
CAA Nantes, 6 oct. 2017, n° 16NT03735
TA Lyon, 5 oct. 2017, n° 1609063
TA Lyon, 5 oct. 2017, n° 1701752
Conséquence logique de la position du Conseil d’État selon laquelle une crèche peut revêtir une pluralité de significations, la cour administrative d’appel de Nantes et le tribunal administratif de Lyon viennent de retenir des solutions différentes sur les crèches installées dans les locaux du conseil départemental de la Vendée pour la première, du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes, pour le second.
La cour administrative d’appel de Nantes a rejeté, le 6 octobre, le recours de la Fédération de la libre pensée de Vendée contre le refus du président du conseil général de ce département de faire droit à sa demande tendant à ce qu’aucune crèche de la nativité ne soit installée dans les locaux de la collectivité. La veille, le tribunal administratif de Lyon avait, pour sa part, annulé la décision du président de la région Auvergne-Rhône-Alpes d’installer une crèche à l’hôtel de région du 14 décembre 2016 au 6 janvier 2017.
Loin de marquer des divergences de jurisprudence, ces solutions différentes sont la conséquence logique de l’approche casuistique de la jurisprudence du Conseil d’État (CE, ass., 9 nov. 2016, n° 395122, Cne de Melun).
La cour de Nantes était saisie d’un des deux dossiers soumis à l’assemblée et que celle-ci avait choisi de lui renvoyer après cassation (alors qu’elle avait réglé au fond l’affaire de Melun). Se tenant scrupuleusement aux critères posés par l’assemblée, elle relève « que la crèche en litige est, depuis l’achèvement de cet immeuble, et plus précisément depuis décembre 1990, installée chaque année, durant la période de Noël, dans le hall de l’hôtel du département de la Vendée, soit depuis plus de vingt ans à la date de la décision contestée ; qu’elle est mise en place au début du mois de décembre et est retirée aux environs du 10 janvier, dates qui sont exemptes de toute tradition ou référence religieuses, et que son installation est dépourvue de tout formalisme susceptible de manifester un quelconque prosélytisme religieux ; que cette crèche de 3 mètres sur 2 mètres est située dans un hall d’une superficie de 1 000 m² ouvert à tous les publics et accueillant, notamment, les manifestations et célébrations laïques liées à la fête de Noël, en particulier l’Arbre de Noël des enfants des personnels départementaux et celui des enfants de la DDASS ; que, dans ces conditions particulières, son installation temporaire, qui résulte d’un usage culturel local et d’une tradition festive, n’est pas contraire aux exigences attachées au principe de neutralité des personnes publiques et ne méconnaît pas les dispositions de l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 ».
- Refus de transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité
Au conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes, en revanche, il « ne ressort pas des pièces du dossier que l’installation de cette crèche dans l’enceinte de ce bâtiment public, siège d’une collectivité publique, résulte d’un usage local. En effet, aucune crèche de Noël n’a jamais été installée dans les locaux du siège lyonnais de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que cette installation était accompagnée d’un autre élément marquant son inscription dans un environnement culturel, artistique ou festif, alors même que la crèche a été réalisée par des artisans de la région et que l’installation permet l’exposition de leur savoir-faire ». L’installation de la crèche lyonnaise a donc « méconnu l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 et les exigences attachées au principe de neutralité des personnes publiques ».
Il est à noter que le tribunal administratif de Lyon avait été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité visant l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 tel qu’interprété par l’assemblée du contentieux. Il refuse la transmission de cette QPC qui, selon lui, ne présente pas un caractère sérieux dès lors que l’interprétation du Conseil d’État s’appuie expressément sur la Constitution et en particulier sur les trois premières phrases du premier alinéa de son article 1er.
Thème 22- La liberté religieuse
Section 1 – LA NOTION DE LAÏCITE
- 1- La neutralité de l’Etat
- La proclamation de la laïcité